LA PERSECUTION JUIVE
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Les voisins déposèrent qu’ils avaient vu Gédéon Lévy entrer dans le bois et en sortir avec une hotte sur le dos quelque temps avant qu’on eût trouvé les habits et la tète de l’enfant. Un autre témoin déclara que ce Gédéon lui avait dit d’aller chercher ces restes et lui avait indiqué l’endroit du bois où il les trouverait.
Le Parlement mit Gédéon Lévy en prison et poursuivit l’instruction du procès.
Le crime était évident. Accablé par des témoignages écrasants, Raphaël Lévy fut condamné à être brûlé vif, et la sentence fut exécutée le 17 janvier 1670.
La mort de cet homme fut véritablement superbe. Il fit ses adieux à quelques-uns de ses coreligionnaires qui l’étaient venus voir, leur recommanda sa femme et ses enfants et, non content de leur promesse, il les obligea à s’engager par serment. Il refusa de boire le vin qu’on lui apporta parce qu’il n’était pas Kascher, repoussa le cierge qu’on voulut lui mettre dans la main, donna un vigoureux coup de coude au capucin qui l’exhortait avec une patience digne d’un meilleur sort, en s’écriant qu’il était Juif et qu’il voulait mourir Juif. « Son âme, dit une relation allemande, s’élança un samedi avec sainteté et pureté vers le sein de Dieu . »
Pour les siens qui ne pouvaient pas avoir une seconde d’illusion sur le fait matériel de l’assassinat, mais qui y voyaient l’accomplissement d’un acte rituel, qui vénéraient l’homme qui, ainsi qu’il le disait lui-même, s'était sacrifié pour la communauté, Raphaël Lévy était un martyr. Quoiqu’il fût illettré, on le nomma rabbin honorifique après sa mort, on lui décerna le Chover , l’épithète d’honneur; quand on prononce son nom, on l’appelle Kadosch, le saint, et Chasid le pieux. Les Archives Israélites proposaient, il y a quelques années, de lui élever une statue; elles contenaient également quelques vers de M me G. P. Merlieux, née Polack, en l’honneur du martyr :
Ombre de Raphaël, pourquoi ta voix plaintive De tes tristes accents vient-elle me troubler?
Pourquoi, quittant les cieux, ton âme fugitive,
Errante, à mes regards vient-elle se montrer?
En vain ma faible voix de ta vertu sublime Cherche à redire ici le noble dévouement ;
Tu mourus eu héros, et ton cœur magnanime Bénit avec ferveur le nom du Tout-Puissant.
et le colonel du régiment avaient placé des corps de garde devant la prison pour qu on ne pût disposer du soldat. Le roi, par une lettre de cachet donnée à Vincennes le. 29 juillet 1660, manda au Parlement qu’il venait de donner des ordres pour que les corps de garde fussent levés et que le cours de la justice ne fût pas interrompu. »