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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA PERSECUTION JUIVE

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Les voisins déposèrent quils avaient vu Gédéon Lévy entrer dans le bois et en sortir avec une hotte sur le dos quelque temps avant quon eût trouvé les habits et la tète de lenfant. Un autre témoin déclara que ce Gédéon lui avait dit daller chercher ces restes et lui avait indiqué lendroit du bois il les trouverait.

Le Parlement mit Gédéon Lévy en prison et poursuivit linstruction du procès.

Le crime était évident. Accablé par des témoignages écrasants, Raphaël Lévy fut condamné à être brûlé vif, et la sentence fut exécutée le 17 jan­vier 1670.

La mort de cet homme fut véritablement superbe. Il fit ses adieux à quelques-uns de ses coreligionnaires qui létaient venus voir, leur recom­manda sa femme et ses enfants et, non content de leur promesse, il les obligea à sengager par serment. Il refusa de boire le vin quon lui apporta parce quil nétait pas Kascher, repoussa le cierge quon voulut lui mettre dans la main, donna un vigoureux coup de coude au capucin qui lexhortait avec une patience digne dun meilleur sort, en sécriant quil était Juif et quil voulait mourir Juif. « Son âme, dit une relation allemande, sélança un samedi avec sainteté et pureté vers le sein de Dieu . »

Pour les siens qui ne pouvaient pas avoir une seconde dillusion sur le fait matériel de lassassinat, mais qui y voyaient laccomplissement dun acte rituel, qui vénéraient lhomme qui, ainsi quil le disait lui-même, s'était sacrifié pour la communauté, Raphaël Lévy était un martyr. Quoi­quil fût illettré, on le nomma rabbin honorifique après sa mort, on lui décerna le Chover , lépithète dhonneur; quand on prononce son nom, on lappelle Kadosch, le saint, et Chasid le pieux. Les Archives Israélites pro­posaient, il y a quelques années, de lui élever une statue; elles contenaient également quelques vers de M me G. P. Merlieux, née Polack, en lhonneur du martyr :

Ombre de Raphaël, pourquoi ta voix plaintive De tes tristes accents vient-elle me troubler?

Pourquoi, quittant les cieux, ton âme fugitive,

Errante, à mes regards vient-elle se montrer?

En vain ma faible voix de ta vertu sublime Cherche à redire ici le noble dévouement ;

Tu mourus eu héros, et ton cœur magnanime Bénit avec ferveur le nom du Tout-Puissant.

et le colonel du régiment avaient placé des corps de garde devant la prison pour qu on ne pût disposer du soldat. Le roi, par une lettre de cachet donnée à Vincennes le. 29 juillet 1660, manda au Parlement quil venait de donner des ordres pour que les corps de garde fussent levés et que le cours de la justice ne fût pas interrompu. »