LA PERSÉCUTION JUIVE
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fait tomber les têtes. La bonne nature tient à jouir jusqu’au bout de l’agonie de sa victime; la hyène veut du moins sentir le sang puisqu’elle no peut pas le boire.
Un matin d’octobre, un artiste s’installe, une plume et du papier à la main, à une fenêtre de la rue Saint-Honoré. Une femme est à ses côtés, riant, coquetant, étalant ses grâces horribles; soudain un éclair de joie passe dans les yeux de cette femme. Une rumeur a couru dans la plèbe qui attend sa proie : une charrette apparaît, elle porte à l’échafaud celle qui fut la reine de France . La Furie cependant ne peut dissimuler un mouvement de dépit. Marie-Antoinette est plus majestueuse encore qu’à Versailles . Brisée ce jour-là par une de ces indispositions qui anéantissent les femmes, sous le faix de douleurs qui semblent au-dessus du courage humain, l’infortunée troûve encore la force d’être calme jusqu’à l’heure, heureusement proche, où, touchant au terme de sa longue agonie, elle criera au bourreau : « Dépêchez-vous ! »
L’artiste était David *, la femme était M me Jullien.
Le père, terrorisé par cette gracieuse compagne, vota la mort de Louis XVI en assurant qu’il avait toujours haï le roi et que « son humanité éclairée ayant écouté la voix de la justice lui ordonnait de prononcer la mort. »
Le fils chassait de race. Qu’on se figure Gilles ou Abadie investis de l’autorité d’un proconsul, et l’on aura l'idée de ce que fut Jullien fils : « Rien, dit le Dictionnaire biographique des hommes marquants de la fin du xvm» siècle, ne peut rendre son exaltation fanatique, son goût pour les supplices,' et son idolâtrie pour la guillotine qu’il appelait « le purgatif des royalistes. » On l’envoya à dix-neuf ans remplacer à Bordeaux Tallien et Ysabeau qu’on trouvait trop tièdes, et ce gamin féroce justifia les espérances du Comité de Salut public. On l’entendit un jour, raconte Prudhomme, s’écrier dans la Société populaire que « si le lait était la nourriture des vieillards, le sang était celle des enfants de la liberté qui reposent sur un lit de cadavres » s .
Les lettres que cet éphèbe sanguinaire, qu’on appelait l’espion morveux de Robespierre , écrivait à son maître figurent dans les Papiers saisis chez Robespierre .
1. Ce dessin fait partie de la collection Hennin à la Bibliothèque nationale. Au-dessus on lit cette note de la main de M. Hennin : « Portrait de Marie-Antoinette , reine de France , conduite au supplice, dessiné à la plume par David, spectateur du convoi et placé à une fenêtre avec la citoyenne Jullien, femme du représentant Jullien. Copié sur l’original existant dans la collection Soulavie. »
2. M. Charles Vatel , dans son livre Charlotte de Corday et les Girondins , ncus apprend