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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

quil avait pour ses petits-enfants. Quelle douleur ce dut être pour le poète de voir ce vilain moineau installé ainsi dans le nid de l'aigle ! Qui saurait exprimer lintensité du regard plein dune hostilité sourde que le vieillard, dune si magnifique bonhomie envers tous, lançait parfois sur Lockroy im­perturbablement assis dans son rôle de père nourricier, immobile dans une posture à la fois arrogante et très basse? Toute lhorreur de cette vie commune se lisait dans ce regard.

Que se passa-t-il au lit de mort? On ne le saura jamais exactement. Les dernières heures de ce souverain de lintelligence furent entourées dautant de mystère que celles dun souverain de droit divin.

Le fameux testament, publié avant les funérailles, ne me paraît pas de la main de Victor Hugo .

Louis XIV avait pour secrétaire de la main le président de la Cour des comptes, Toussaint Rose . Rose, qui fut membre de lAcadémie en rempla­cement du silencieux Conrart , avait la même écriture que le roi et il écri­vait les lettres qui, daprès létiquette, devaient être autographes. Personne n'ignore dans le monde littéraire que M. Richard Lesclide remplissait les mêmes fonctions près de Victor Hugo , et que les autographes authentiques du maître sont excessivement rares pour la dernière période de sa vie. Victor Hugo , évidemment, naurait pas suffi à son écrasant labeur, sil lui avait fallu écrire cinquante lettres par jour pour annoncer aux gens «quils avaient le Verbe en eux », et quil « pressait cordialement leurs mains loyales ».

Ce Lesclide , aposté dans la maison par Lockroy, était un Juif de Bor­ deaux , un Juif de lespèce gaie qui pintait vigoureusement au dîner, mais qui nétait pas désagréable.

Ainsi entouré, Victor Hugo navait plus guère le moyen de manifester une opinion libre. Il est moralement certain pour moi quil a demandé un prêtre et bien des témoignages matériels tendraient à confirmer cette conviction. On a entendu Vulpian affirmer positivement ce fait dans un salon. Vulpian, sans doute, a démenti par écrit ce quil avait dit de vive voix, mais sa lettre sue le mensonge et la peur. Il est démontré, en tout cas, que Lockroy a intercepté la lettre remplie dune si évangélique charité de larchevêque de Paris , et quelle na pas été remise au malade.

Ce quil faut toujours regarder, cest le ton que prennent ces gens- dans ces questions. Je ne songerai jamais à métonner quun Israélite fasse demander un rabbin pour le consoler à ses derniers moments; jajoute même que, sil men priait, jirais le chercher moi-même et que