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LA PEBSÉCUTION JUIVE
lequel il figurait. Alpuonse, paraît-il, en fut écœuré lui-même: « Tenez, ma chère, aurait-il dit à la baronne en montrant un journal juif dans lequel les catholiques étaient traînés dans la boue, voilà comment nous les fouail-
lons.Et voilà comme ils nous lèchent, » aurait-il ajouté, en jetant à terre
l’article d’Ignotus.
Jamais l’adulation pour le Juif n’a été poussée si loin. En ce siècle fécond en incroyables péripéties qui vit un fils de la Fortune être sacré à Notre-Dame onze ans après l’exécution d’un descendant de saint Louis, où les empires et les trônes roulent emportés par des tempêtes soudaines comme des feuilles d’arbre par le vent d’automne, Ignotus prétend sans rire que le fondateur de la dynastie des Rothschild a assuré sa maison « même contre l’avenir. » Le beau billet à ordre qu’ont là les banquiers, et la jolie prophétie que fera mentir demain le premier capitaine un peu brave, le premier chef d’insurgés de tempérament français qui, au lieu de s’attaquer bêtement à des couvents, viendra, la cigarette aux lèvres, mettre tranquillement en arrestation toute cette nichée de barons I
Pour être moins plats, les autres portraits n’en sont pas toujours plus fidèles.
A mon avis, Ignotus, comme portraitiste, n’a pas assez l’amour de ce dessin que Ingres appelait « la probité de l’art. » Il ne se préoccupe pas assez de la sincérité des contours et de la vérité des lignes; il fait amusant et intéressant, sans se soucier toujours de faire exact.
La raison de cette insuffisance relative est simple. Cet écrivain, qui a de si belles parties d’artiste et de poète, est badaud par certains points. S’il est parfois le fils attendri de cet Océan qui lui inspire de si originales comparaisons, il reste souvent l’habitant de la Loire-Inférieure en déplacement à Paris . Le badaud, qui est en lui, paralyse et désarme l’observateur quand il s’agit de regarder dans le blanc des yeux ces contemporains qui mentent presque toujours, qui prennent des attitudes factices en désaccord avec leurs actes; il le sert, au contraire, quand il s’agit de regarder la rue qu’on ne peut comprendre qu’en partageant un peu sa façon d’éprouver.
Ce qui restera de ce peintre moderne qui, contrairement à ce qu'il s’imagine peut-être lui-même, sait mieux voir les hommes qu’un homme, la collectivité que l’individualité, ce sont ses études sociales, ses peintures de ce Paris nouveau, monstrueux, invraisemblable, ses dramatiques analyses de ce monde renversé, où les gens de bien sont maintenant à la merci des criminels de tous les pays.
Réunissez ces travaux fragmentaires en un volume, joignez-y le livre de Maxime Du Camp , ajoutez-y le présent livre qui dit ce que ces hommes,