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LA FRANCE JUIVE
En voyant le titulaire d’une cure déjà importante, comme Frairot, ne pas môme essayer de lutter, on devine ce que doivent peser nos institu- eurs congréganistes, empêtrés dans leur robe, mal à l’aise pour répondre a des accusations que très souvent ils ne comprennent pas. Avant même de paraître devant les tribunaux, ils ont de la boue jusqu’au menton.
Je n’ai jamais rien rencontré d’aussi complet dans ce genre que les injures prodiguées à un certain frère Numasius, qui fut acquitté presque sans débat, par le jury bien entendu, car les accusations portées contre lui ne reposaient absolument sur rien. Le frère Halp. le frère Bazilien, le frère Meillier, acquittés de même, ont été eux aussi littéralement couverts d’opprobre. La Franc-Maçonnerie juive trouve là un profit certain; dès quelle veut établir une école laïque dans un pays où les frères sont aimés, elle envoie l’ordre à ses magistrats de monter l’allaire. Si l’innocent est condamné, c’est tout bénéfice; s’il parvient à se tirer de ce mauvais pas, il n’en a pas moins été injurié, vilipendé, outragé pendant six semaines, et l’on en est quitte pour annoncer le résultat en une ligne dans le journal qui a diffamé en trois colonnes.
Parfois l’incident se corse. Deux Juifs se battent sur le corps d’un i vôtre et se reprochent mutuellement de s’être volé une calomnie d’un gros rapport. Au mois de février 188i, le Juif Eugène Mayer accuse le Juif Paul Strauss de s’être indûment approprié sa littérature pour la porter à la Dépêche de Toulouse . — Ce n’est pas de la littérature, répond Strauss; d’ailleurs, je travaille pour la bonne cause; pour la bonne cause tout est permis.
Chemin faisant, on apprend que ce Paul Strauss, opportuniste fort zélé, et présentement conseiller municipal, a été condamné, en 1879, à trois ans de travaux publics pour désertion et autres peccadilles. C’est une note utile à prendre en passant, mais il faut dire que la révélation n’étonne personne dans ce monde-là.
Comment les hommes qui gouvernent auraient-ils aucun scrupule envers les catholiques, qu’ils poursuivent d’une haine implacable, lorsqu’ils n’hésitent pas à assassiner ceux qui, partageant certaines de leurs doctrines, ont conservé un fonds d'honnêteté et trouvent leurs mœurs mauvaises et leurs procédés condamnables?
La mort du malheureux Saint-Elme est certainement une des pages les plus inouïes de l’histoire de ce temps. L’infortuné appartenait à une opiuion qui n’est pas la mienne, et on ne m’accusera pas d’obéir à l’esprit de parti en parlant de lui; mais cette exécution d’un écrivain par des sbires, en plein xix* siècle, est faite pour exciter l’indignation de tous.