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LA FRANCE JUIVE
La Franc-Maçonnerie n’est pas satisfaite encore, et elle rêve de perfectionner le mécanisme de la persécution. Ainsi que l’a démontré M. Guillot, dans un ouvrage dont la sincérité fait honneur à ce juge d’instruction le nouveau code d’instruction criminelle enlève tout recours au citoyen victime de l’arbitraire.
Il y a là, encore une fois, un véritable système, une forme de gouvernement qui restera dans l’histoire. Au lieu de s’appuyer sur les gens de violence et de force, comme le fit le Terreur, le régime actuel s’appuie exclusivement sur les gens de ruse, de dol, et d’indélicatesse ; il les groupe en une manière de syndicat, il leur ouvre un certain crédit sur la loi, et les tient par la menace de fermer ce crédit; il concède une sorte d’impunité subordonnée à certaines conditions de dévouement, il accorde deux ou trois délits à commettre au choix, comme on accorde un bureau de tabac.
Ce que n’ont indiqué ni Ignotus, ni M. Guillot, ni tous ceux qui se sont occupés de la persécution exercée par la magistrature franc-maçonnique, c’est l’état psychologique de tous ces persécutés grands et petits, qui rend leurs tortures mille fois plus atroces qu’elles ne le seraient pour nous et en même temps les met presque hors d’état de se défendre. Il y a là encore comme une confirmation de la justesse du mot de Taine , qui paraît si simple : « La Révolution est un retour à l’état de nature. » Le malheur de ces persécutés honnêtes est de rester des civilisés, de croire qu’on vit encore sous le régime des lois, que les magistrats sont de vrais magistrats, que la police, l’administration, la justice fonctionnent régulièrement. L’accusation dont ils sont l’objet prend pour eux l’importance qu’elle aurait dans une situation normale.
Je me souviens toujours d’une jolie histoire que m’a contée Alexandre Dumas .
Il rencontre un jour dans un salon une femme qui, après avoir rôti le balai vingt ans, avait fini par se faufiler dans le vrai monde ou dans quelque chose qui y ressemblait.
Cette femme traite Dumas et son œuvre de haut en bas, elle lui reproche de n’avoir jamais décrit que des milieux malsains, de n’avoir jamais mis en scène une honnête femme.
Dumas écoutait. Sans doute, si ce reproche lui avait été adressé par quelque jeune fille innocente, il eût souri de cette façon de juger son
1. Des Principes du nouveau Code d’instruction criminelle, par M. Guillot, juge d’instruction.