LA FRANCE JUIVE
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C’est avec une plus grande certitude que je me sers de ce même terme aujourd’hui, et avec la même fermeté que je vous écris en homme libre qui parle à des esclaves qui m’ont incarcéré pour avoir dit la vérité. N’ai- je pas raison de dire que nous sommes dans une persécution ouverte depuis quatre ans, en commençant par les ministres du culte catholique et par une inlinité de chrétiens qui ont péri et qui périssent tous les jours? Combien de victimes innocentes qui gémissent dans les prisons de cette malheureuse France , et qui attendent la lin de leurs maux, stlrs de leur conscience! Ils poussent des cris remplis de larmes à leur Dieu pour qui ils soutirent. Croyez-vous, scélérats pour la plupart, que Dieu sera toujours sourd à leurs cris ? Oh ! que non ! le temps des vengeances est prêt à éclater contre les bourreaux...
Dieu et le peuple se lassent de vos tyrannies. Jamais l’ancien régime n a procuré tant de crimes.
Ailleurs il ajoute, dans un style de prophète, et avec un élan de foi qui rend cet illettré profondément éloquent :
Dans ce grand jour de révélation, qu’il y aura de coupables! Que les jugements de Dieu seront diü'érents de ceux des hommes! Les innocents qu’ils ont fait périr les jugeront à leur tour. Grand Dieu! que de maux vous allez envoyer sur celte malheureuse France apostate et profanatrice pour la punir de toutes ces impiétés...!
Convertissez-nous, Seigneur, pour retourner à vous et faire pénitence de tant de forfaits... Donnez-nous par votre miséricorde un roi très chrétien, pour changer l’état pitoyable de la France ; relevez avec zèle vos iemples, vos autels, et les reliques de vos saints, qui ont été profanés avec tant de fureur. Donnez-nous, Seigneur, de saints njinistres pour prêcher la véritable religion, pour offrir au Dieu trois fois saint la victime seule capable d’apaiser votre colère...
C’est une figure à part que cette victime obscure de la formidable tourmente. Avant de monter à l’échafaud, Mauclaire prend congé de ses codétenus dans un langage digne d’un confesseur des premiers siècles :
Si, par hasard, il y en avait parmi vous tous quelques-uns qui aient à se plaindre de moi pour quelques fautes qui me sont échappées malgré moi, je les conjure de me les pardonner du fond de leur cœur, en réponse de l’amour que je leur porterai toujours, et même audebà d'après ma mort qui est très prochaine,,en châtiment de ce que je soutiens le culte et la religion catholiques, et que j’ai reproché avec fermeté et courage les abominations sans nombre qui se sont commises depuis quelques mois.
.Mais moi, fort de ma conscience, je les attends d'un pas ferme et
tranquille; je leur ferai voir, s’il plaît à Dieu , que je serai plus libre
qu'eux.8i cela ne sert qu'à les irriter, au moins j’aurai la consolation
de mourir pour la justice qui fait mes plus chères délices. Qu’il est glorieux de mourir sur un échafaud pour soutenir la religion!