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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

Pères du Saint-Sacrement que la population du pays entourait de vénéra­tion. Ils nétaient pas fort dangereux, car, au moment des décrets, ils étaient trois en tout. Gomment les choses se passèrent-elles exactement ? On na jamais pu le savoir au juste. Le maire de Noirétable, un médecin, appar­tenait à une famille bonapartiste tant que lEmpire avait pu distribuer des places, devenue ardemment républicaine dès que le vent avait tourné. Cétait au demeurant un assez bon homme, et qui semble avoir voulu tout arranger pour le mieux sans y avoir réussi.

Le 4 novembre 1 880, au matin, le sous-préfet de Montbrison , qui répondait au nom de Mauras, vint pour expulser les bons religieux, et il ébaucha une grimace quand il vit lascension à accomplir. Chemin faisant, il avait recueilli quelques renseignements désagréables sur les dispositions des paysans, cœurs dor, mais fort capables de tirer un coup do fusil aux malfaiteurs qui iraient crocheter les portes de religieux inoll'ensifs qui navaient fait que du bien à tous. Bref, lâche comme tous ses pareils, il avait une peur du diable.

Voyant les hésitations du personnage, le maire, M. Bertrand, lui dit : « Déjeunons dabord 1 » Convaincu, et cette opinion fait honneur à son intelligence, que le bonheur de la France ne dépendait pas de 1 expulsion de trois religieux qui ne descendaient pas au village une fois par mois, le maire espérait peut-être que le sous-préfet oublierait à table la vilaine besogne qui lamenait et que tout resterait en létat.

On déjeuna comme on déjeune dans le Forez ; et, à la tombée du jour, après le champagne, ladministrateur républicain était fin saoul, cest lexpression usitée dans le pays. On lexpédia tant bien que mal vers sa résidence, et les gens de lendroit, qui ont la tète solide, allèrent deviser chez Esope de la supériorité morale des fonctionnaires de la démocratie sur les suppôts de la tyrannie.

Malheureusement, celte fois, Raton, le sous-préfet, avait été plus malin que Bertrand, le maire. Entre deux rasades, sans quon puisse savoir à quel moment, il avait ordonné à un gendarme, du nom de Tarbouriech, dexécuter ce quil nosait entreprendre lui-mème, et daller jeter les reli­gieux hors de chez eux, pendant quil continuerait à fêter la dive bouteille et à faire léloge de la liberté.

Tarbouriech partit, flanqué dun compagnon, et neut pas la main ten­dre. Des trois religieux, un resta pour garder limmeuble, un autre se dirigea vers le château de M. de Barante , une retraite lui avait été pré­parée; le troisième sachemina vers Verrines, un village au-dessous de la montagne, il devait également trouver un asile.