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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

En novembre, la neige couvre déjà lHermitage. Grâce aux dernières clartés du jour, le pauvre religieux se dirigea dabord assez bien, mais bientôt tout prit autour de lui un relief fantastique. Les chemins sentre­croisèrent, les silhouettes gigantesques des arbres sous la reverbération de la neige revêtirent des formes trompeuses ; le froid fit affluer le sang aux tempes du voyageur. Saisi par le délire, il s'imagina sans doute quil avait toujours Tarbouriech à ses trousses : il précipita sa course, et tomba dans des sentiers à peine praticables en plein jour. A l'aube, un bûcheron le trouva étendu, le crut mort, saperçut quil respirait encore, et parvint à le ramener à la vie.

Le pauvre homme nen était pas moins perdu. Il revint à lHermitage pour y achever une existence dont les jours étaient désormais comptés. Il aurait fallu, pour empêcher ce vieillard de rentrer chez lui, établir sur ces hauteurs un poste fixe de gendarmerie. On eût demandé les fonds né­cessaires à la Chambre que la gauche, toujours libérale, eût trouvé cette proposition admirable et digne d'elle; on ny songea pas.

Tel était le récit quon nous avait fait au village, un matin que nous partions en caravane pour accomplir cette excursion à lI[ermitage à laquelle nous ne manquons jamais, chaque fois que les vacances désirées nous ramènent vers le Forez , qui est devenu notre pays dadoption.

Ouand on a fait une lieue environ, on sarrête quelques minutes à un hameau appelé les Baraques.

Vous savez la nouvelle? nous dit-on quand nous arrivons.

Non.

Ce pauvre Père Corentin est mort, il a achevé de mourir plutôt I Il était préparé du reste; hier dimanche, il nous a fait ses adieux : « .laurai encore la force de dire ma messe aujourdhui, et je prierai pour ceux qui nous ont aimés et aussi pour ceux qui nous ont persécutés, puis je men irai... » Il a dit sa messe et il est parti une heure après...

La pensée du brave homme expiré nous attrista, mais bientôt le charme du chemin fit diversion à ce sentiment.

Bien nest merveilleux comme cette montée en juillet. Les muguets, les jonquilles, les gentianes du printemps ont déjà disparu, il est vrai, mais il reste les œillets sauvages, les pensées, et les violettes qui tapissent le chemin. On gravit à travers dénormes fougères qui font comme un pié­destal verdoyant aux grands chênes, aux bouleaux toujours agités et trem­blants, aux hêtres touffus qui préparent aux sapins sombres du sommet.

Parfois un murmure régulier étonne loreille : cest un ruisseau qui sort en écume dargent de quelque rocher couvert de mousse, et quil faut