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LA PERSÉCUTION JUIVE
traverser sur un tronc d’arbre. Gomme l’Obéron des légendes qui sautait au-dessus des torrents sans mouiller ses grelots, les enfants franchissent l'obstacle d’un bond. Ma petite nièce, Anaïs, qui disait si gentiment qu elle voulait apprendre à écrire pour faire de la copie pour son oncle, excellait à ce jeu, et c’est en vain que mon autre nièce Marie, déjà plus grave, lui prodiguait de sages conseils.
Quand on est au bout, on pousse un cri d’admiration. On débouche en effet sur un tapis de velours vert qui fait oublier les vieux bâtiments dm couvent.devant la féerie de cette nature éternellement jeune.
Malgré tout, le voisinage de la mort donnait à ce paysage une mélancolie qu’il n’a pas ordinairement. Le cri sinistre de la hulette qui retentissait obstinément dans cette solitude disait qu’il y avait là un cadavre. A une fenêtre on distinguait une lueur presque imperceptible qui faisait un bizarre contraste avec la clarté radieuse de cette journée de juillet.
dette lumière venait de la chambre funèbre. Quelle chambre! Quelque chose de plus indigent qu’une cellule, une vaste pièce carrelée ouverte à tout vent, au fond un lit d’enfant, et dans ce lit, sur une paillasse crevée, sous une couverture qui valait bien vingt sous, un petit vieillard étendu les mains jointes. Une veilleuse achevait de se consumer dans un verre, et, près du lit, une bière taillée à la hâte dans un sapin non raboté, tout fruste, attendait... 1 .
Je ne saurais vous exprimer l’émotion que produisait la vue de ce petit vieux, et le dégoût qui vous prenait de ces républicairis gorgés de tout, trafiquant de tout, agiotant sur tout, et songeant à venir chercher ce solitaire et cet humble pour le jeter la nuit dans la neige.
Pour tout meuble dans cette chambre, une chaise cassée; sur une tablette de bois blanc quelques prospectus d’ouvrages religieux, une brochure : le Salut social par l’Eucharistie et la Vocation providentielle des pèlerinages , et un volume tout recroquevillé, resté là sans doute depuis le
t. I.o sous-préfet poursuivit sa victime jusque dans la mort : le religieux avait demandé être enterré dans son cher Hermitage ; l’autorisation fut brutalement refusée.
Le même fait s'est d'ailleurs reproduit à peu près partout. Voici ce qu écrivait àl Üni- ers, au mois d’avril 1884, le vénérable abbé de Solesmes, dom Couturier:
« Un de nos vieux frères, chassé comme nous de l’abbaye, il y a quatre ans, vient de tourir dans un département voisin. En mourant, il avait sollicité la grâce dêtre enterré ans le cimetière de la paroisse de Solesmes, dont le nom lui rappelait tant et de si cher» mvenirs. Cette grâce paraissait facile et n’avait rien qui pût compromettre 1 intérêt public, a demande en fut donc faite au nom de la famille du défunt. Mais, au bout de vingt- uatre heures d'hésitation et de négociations sans doute avec le ministère, e pre et a ipondu par ce singulier télégramme :
« La famille du défunt n'habitant pas Solesmes, il n’y a aucun motif d accorder lau ‘ torisation que vous demandez de transporter dans cette commune e corps u un . »