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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA PERSÉCUTION JUIVE

traverser sur un tronc darbre. Gomme lObéron des légendes qui sautait au-dessus des torrents sans mouiller ses grelots, les enfants franchissent l'obstacle dun bond. Ma petite nièce, Anaïs, qui disait si gentiment qu elle voulait apprendre à écrire pour faire de la copie pour son oncle, excellait à ce jeu, et cest en vain que mon autre nièce Marie, déjà plus grave, lui prodiguait de sages conseils.

Quand on est au bout, on pousse un cri dadmiration. On débouche en effet sur un tapis de velours vert qui fait oublier les vieux bâtiments dm couvent.devant la féerie de cette nature éternellement jeune.

Malgré tout, le voisinage de la mort donnait à ce paysage une mélan­colie quil na pas ordinairement. Le cri sinistre de la hulette qui reten­tissait obstinément dans cette solitude disait quil y avait un cadavre. A une fenêtre on distinguait une lueur presque imperceptible qui faisait un bizarre contraste avec la clarté radieuse de cette journée de juillet.

dette lumière venait de la chambre funèbre. Quelle chambre! Quelque chose de plus indigent quune cellule, une vaste pièce carrelée ouverte à tout vent, au fond un lit denfant, et dans ce lit, sur une paillasse crevée, sous une couverture qui valait bien vingt sous, un petit vieillard étendu les mains jointes. Une veilleuse achevait de se consumer dans un verre, et, près du lit, une bière taillée à la hâte dans un sapin non raboté, tout fruste, attendait... 1 .

Je ne saurais vous exprimer lémotion que produisait la vue de ce petit vieux, et le dégoût qui vous prenait de ces républicairis gorgés de tout, trafiquant de tout, agiotant sur tout, et songeant à venir chercher ce solitaire et cet humble pour le jeter la nuit dans la neige.

Pour tout meuble dans cette chambre, une chaise cassée; sur une ta­blette de bois blanc quelques prospectus douvrages religieux, une bro­chure : le Salut social par lEucharistie et la Vocation providentielle des pèlerinages , et un volume tout recroquevillé, resté sans doute depuis le

t. I.o sous-préfet poursuivit sa victime jusque dans la mort : le religieux avait demandé être enterré dans son cher Hermitage ; lautorisation fut brutalement refusée.

Le même fait s'est d'ailleurs reproduit à peu près partout. Voici ce qu écrivait àl Üni- ers, au mois davril 1884, le vénérable abbé de Solesmes, dom Couturier:

« Un de nos vieux frères, chassé comme nous de labbaye, il y a quatre ans, vient de tourir dans un département voisin. En mourant, il avait sollicité la grâce dêtre enterré ans le cimetière de la paroisse de Solesmes, dont le nom lui rappelait tant et de si cher» mvenirs. Cette grâce paraissait facile et navait rien qui pût compromettre 1 intérêt public, a demande en fut donc faite au nom de la famille du défunt. Mais, au bout de vingt- uatre heures d'hésitation et de négociations sans doute avec le ministère, e pre et a ipondu par ce singulier télégramme :

« La famille du défunt n'habitant pas Solesmes, il ny a aucun motif d accorder lau torisation que vous demandez de transporter dans cette commune e corps u un . »