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LA FRANCE JUIVE
répression de la Commune s’accomplir dans des conditions de sauvage iniquité.
Toute cette phase est, d’ailleurs, une de celles qui arrêteront le plus longtemps les penseurs de l’avenir, qui auront là l’occasion d’étudier en action, à l’œuvre, la haute démocratie française ; de voir quelle est sa moralité, ses vrais sentiments envers le peuple, la conception qu’elle se fait du Bien et du Mal, de la responsabilité, de l’égalité.
La Monarchie française, nous l’avons dit, exerçait virilement et chrétiennement sa fonction de justice : elle avait des gibets pour les financiers, les Enguerrand de Marigny et les Semblançay, de beaux échafauds de velours noir pour les Nemours, les Saint-Pol, les Biron, les Montmorency, les Marilhac.
La Restauration, même dans ses défaillances et sa mollesse, n’eut pas la répression vile : elle ne prit pas le petit soldat, elle prit le maréchal prince de la Moskowa, le général Mouton , La Bédoyère allié aux plus nobles familles de France .
La République fut impitoyable aux humbles, et trembla devant ceux qui avaient une apparence de situation, devant tous ceux qui avaient la noblesse bourgeoise, qui possédaient le bouton de jade du mandarin, qui étaient inscrits sur un tableau quelconque.
Tout ceux qui furent passés" par les armes à Satory — à part Rossel — furent de pauvres diables, des minus habentes, des gens sans relations. Thiers avait accordé la grâce de Gaston Grémieux ; ce fut le général Espi- vent de la Villeboynet qui le fit exécuter, pour ainsi dire, de son initiative personnelle. Grémieux devait être fusillé en même temps qu’un chasseur à pied. Les membres de la gauche, naturellement, ne s’occupèrent en aucune façon du pauvre pioupiou : chair à canon, bon à tuer ; ils intercédèrent pour l’homme intelligent, responsable, pour l’avocat! Le général Espivent, qui était de vieille race française, ne comprenait pas la démocratie de cette façon, et il déclara nettement qu’il entendait que l’avocat eût le sort du soldat *.
Cette histoire de la Commune, encore si peu connue et dont la face
1 . Crémieux était si sûr de sa grâce, que lorsqu’on vintle prendre à la prison Saint-Pierre pour le conduire au Pharo, il était convaincu, malgré la présence du rabbin qui se trouvait dans la voiture, qu’on le conduisait à la gare pour aller à Aix faire entériner les lettres de grâce devant la Cour. Lorsque la voiture s’arrêta, il était au centre d'un carré sur le champ de manœuvre du Pharo; ü eut alors un moment d’émotion assez naturelle, mais la vérité m’oblige à déclarer qu’il mourut fort courageusement.