LE JUIF
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tère de l’intérieur, quand eut lieu l’arrestation de la duchesse de Berry sur la dénonciation de Deutz. C’est ce Didier-là qui fut chargé de payer au dénonciateur les 500,000 francs qu’il avait demandés. Mon ami m’a raconté un jour, en me faisant promettre de ne livrer le fait à la publicité qu’après sa mort, que son père, le jour du payement, l’avait fait cacher, lui, enfant âgé de dix ans à cette époque, derrière une tapisserie de son cabinet et lui avait dit : « Regarde bien ce qui va se passer, et ne l’oublie jamais. Il faut que tu saches de bonne heure ce que c’est qu’un lâche, et comment on le paye ! » Henri se cacha, Deutz fut introduit. M. Didier était debout devant son bureau sur lequel se trouvaient les 500,000 francs en deux paquets de 250,000 francs chacun. Au moment où Deutz s’approchait, M. Didier lui fît signe de la main de s’arrêter, puis, prenant les pincettes, il s’en servit pour tendre les deux paquets l’un après l’autre à Deutz, après quoi il lui indiqua la porte. Pas un mot ne fut prononcé pendant cette scène que je vous raconte telle qu’elle m’a été racontée par mon ami, le plus honnête homme de la terre. Voici, monsieur, tous les renseignements que je puis vous donner à ce sujet. J’ignore aussi la date de la mort de Deutz.
Veuillez agréer, monsieur, l’assurance de mes sentiments les plus distingués.
Selon une opinion assez accréditée, les pièces fort intéressantes qui composaient le dossier de Deutz aux Archives nationales auraient disparu.
En tout cas la communication de ces pièces a été formellement refusée par le Franc-Maçon Ferry à M. Nauroy, comme en témoigne une lettre publiée par celui-ci dans le Figaro du 19 mars 1883 *. Le prétexte allégué par Ferry , dans une lettre signée de lui, était des raisons de haute convenance. N’est-ce pas joli cette parole sous la plume d’un des membres de ce gouvernement du 4 Septembre qui a vidé les tiroirs des Tuileries avec un sans gêne de laquais et livré à la curiosité de tous des papiers d’une nature tout intime ? Pour des documents qui datent de cinquante ans et qui, par conséquent, appartiennent déjà à l’histoire, la question, paraît-il, est toute différente. Il est vrai qu’il s’agit de Deutz le coreligionnaire de Rothschild .
Un peu suffoqué par une telle réponse venant de Ferry , M. Nauroy fit demander dans l’Intermédiaire des renseignements sur Deutz. Mais une nouvelle complication se produisit. M. Faucou, directeur de l’Intermédiaire, reçut des renseignements excessivement curieux ; mais, soit par un scrupule qui s’explique, soit par la crainte de se brouiller avec Israël et de perdre sa petite situation à Carnavalet , il se refusa à communiquer ces renseignements à M. Nauroy. Celui-ci eut un moment l’intention de lui faire un procès qu’il aurait naturellement perdu.
t. Voir aussi le Curieux du 1” décembre 1883.