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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

Bientôt, même en donnant aux prophéties messianiques les interpré­tations les plus singulières, en supputant de mille manières la prédiction de Daniel sur la période des soixante-dix semaines dannées, on en arrive à désespérer. Les rabbins alors vouent à lanathème celui qui désormais parlerait de lapparition du Messie. « Tous les temps qui étaient fixés pour la venue du Messie sont passés, » dit rabbi Rava. « Maudits soient ceux qui supputent les temps du Messie! » déclare le Talmud de Babylone. « Puissent leurs os se rompre ! » ajoute rabbi lochanan.

Si les Juifs de Roumanie entretiennent, à grands frais, à Sada-Gora, la famille dIsrolska, la famille sacrée d' doit naître le Messie; si les Juifs de Pologne laissent leur fenêtre ouverte quand il tonne pour quil puisse entrer, les Juifs civilisés ne croient plus à la venue du Rédempteur; ils nadmettent plus que ce quils nomment le Messie mythique; ou plutôt le Messie, le futur roi du monde, cest Israël.

Michel Weil, grand rabbin, dit expressément que les prophéties nont jamais fait mention ni dun descendant de David, ni dun roi Messie, ni même dun Messie personnel. Le véritable Rédempteur, selon lui, serait, « non plus une personnalité, mais Israël transformé en phare des nations, élevé aux nobles fonctions de précepteur de lhumanité, quil instruira par ses livres comme par son histoire, par la constance dans ses épreuves non moins que par la fidélité à la doctrine ! »

Je ne relèverai pas une fois de plus ce qua dimpudemment orgueil­leux la prétention de cette bande de manieurs décus dêtre le phare de nations qui ont eu Charlemagne, saint Louis, Charles-Quint, Napoléon, les plus grands saints, les plus puissants penseurs, les plus hauts génies, les sociétés les plus admirablement organisées. Il y a évidemment une véritable démence collective, une sorte de folie des grandeurs sévissant non plus sur un individu isolé, mais sur une race tout entière à laquelle des succès soudains ont monté à la tête.

Ces succès, en tout cas, nont pas procuré à Israël le bonheur de lâme.

A mesure que leur rêve saccomplissait, la portion didéal, très relatif de spiritualisme religieux qui était en eux diminuait, leur petit lambeau dinfini décroissait. Ges Nucingen avaient, eux aussi, leur peau de chagrin dun nouveau genre la notion de la vie future se rétré­cissait et se desséchait pendant que leur vie présente devenait plus bril­lante et plus large.

Leur romanesque espérance de posséder la terre, de jouir seuls de ce que d'innombrables générations de Chrétiens avaient fondé, créé, produit,