LE JUIF
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la mort, mais ils ne peuvent pas se senti";, ils se font horreur à eux- mêmes, et dès qu’ils ne sont plus en affaires, ils se fuient comme des damnés. Ils n’ont guère plus d’agrément avec les chrétiens ; un mot de respect pour le Christ suffit à les rendre malades ; une plaisanterie sur Judas qu’ils accueillent en riant jaune les met hors d’eux-mêmes. Au fond elle est toujours d’actualité, la parole écrite sur la porte des ghettos d’Italie :
Ne populo regni cœlestis hærediusus cum exhærede sit.
« Que le peuple héritier du royaume céleste n’ait rien de commun avec celui qui en est exclu. »
Parfois, il y a un fin sourire sur ces visages à la pensée de quelque ion tour joué au chrétien. Le renard, en effet, est la bête allégorique du Juif; le Meschabot schualim, les Fables du renard est le premier livre qu’on met entre les mains du petit Hébreux. Devenu grand, il se complaît dans la vie à souligner la farce qu’il vient de faire à l’Aryen. Après avoir, par exemple, comme Bleichrœder, organisé la campagne de Tunisie qui coûte à la France la vie de ses enfants, l’argent de ses finances, l’alliance de l’Italie, il se gausse encore de sa victime en se faisant nommer commandeur de la Légion d’honneur par quelque ministre avili.
Aces accès dejoiemauvaise, succède parfois une expression de naïveté. De la naïveté chez le Juif! vous écrierez-vous, vous nous la baillez belle ! Oui, il y a chez lui un côté enfantin. Ce représentant de la civilisation en ce qu’elle comporte de plus aigu, de plus raffiné, de plus morbide, a l’astuce du sauvage, il en a aussi la vanité naïve. Sa bouche parfois s’entr’ouvre de plaisir devant certains triomphes de gloriole, comme la bouche de ces Africains dont l’œil et les dents brillent du contentement de posséder un morceau de verroterie ou un lambeau d’étoffe voyante.
A l’enterrement de Louis Blanc, je regardais dans la rue de Rivoli se ranger les députations, et j’examinais avec un plaisir indicible la façon dont tous ces individus à la barbe jaunâtre et sale se carraient sous le grand cordon bleu du Franc-Maçon. Il y avait, dans tous ces gens à mine basse, une satisfaction puérile d’être là, en face des Tuileries, respectés par les gardiens de la paix, ayant une importance, un rôle dans une cérémonie quasi officielle, portant un costume qui les distinguait des autres. Le Juif est plus souvent ainsi qu’on ne le croit. Quand il vous raconte qu’il a reçu une distinction quelconque, une médaille de chocolat dans une exposition, il vous fixe bien pour voir si vous ne vous moquez pas de lui, ce qui est sa crainte perpétuelle; alors sa face pâle et exsangue s’éclaire d’un rayon de bonheur pareil à celui qui illumine souvent les enfants.