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LA FRANCE JUIVE
qu’à l’heure actuelle et possédaient déjà la moitié de Paris 1 . Partout des écoles prospéraient, partout des rabbins éminents attiraient à eux la foule. C’est Moïse de Coucy, Léon de Paris, Jacob de Corbeil, Eliezer de Beau- gency, Samuel de Falaise, Simon de Joinville.
Un fait curieux, d’ailleurs, et qui dénote bien l’incroyable ténacité de cette race, la persistance avec laquelle la tradition orale se transmet chez des gens pour lesquels les siècles ne comptent pas, est l’obstination des Juifs à revenir en maîtres dans les lieux qu’ils ont habités autrefois et d’où on les a chassés. Les moulins de Corbeil, qui appartenaient jadis au Juif Cres- cent, sont maintenant à Erlanger; presque tous les domaines de l’île de France où des Juifs habitaient autrefois appartiennent à des Camondo, à desEphrussi, à des Rothschild, qui éprouvent une sorte de jouissance indicible à avoir pour commensaux et pour flatteurs les fils dégénérés de cette noblesse qui régnait jadis sur ces pays. Toute une bande de banquiers israélites s’est également abattue sur Enghien et sur Montmorency, où leurs ancêtres avaient des maisons autrefois.
Ils sont propriétaires de presque tout le quartier du Temple où se trou vaient des Juiveries aux xn e et xm" siècles, ainsi que du quartier Saint-Paul, où la vieille rue des Juifs rappelle encore un ancien séjour. A part deux ou trois, toutes les maisons de la place Royale, me disait Alphonse Daudet, qui a logé là longtemps, sont à des Juifs. Cette belle place qui fut bâtie par Henri IV, qui vit le splendide carrousel de 1613 où les combattants flgu-
israélite, quelques paroles qui méritent d’être reproduites. « D’où vient, disait-il en 1870, d’où vient, nous demandions-nous, que la Russie et la Pologne aient 3,000,000 de Juifs, tandis que la France en a tout au plus 120,000, l’Angleterre 60,000, l’Italie 45,000? Il faut remonter jusqu’au commencement du xn e siècle, aux tristes époques des Croisades et au temps du Moyen Age, pour trouver la réponse. Jusqu’au quatorzième siècle, la France seule renfermait 800,000 Juifs, qui furent poussés par des circonstances différentes et successives vers l’Allemagne et les bords du Rhin d’abord, et au temps des persécutions religieuses, vers la Pologne, qui, à cette époque, unie en un vaste royaume, accorda toute la liberté à nos coreligionnaires traqués partout ailleurs comme des bêtes fauves.
« Leur influence devint tellement prépondérante qu’une fois, lorsque les palatins et les nobles réunis pour élire, après la mort de leur roi, conformément à la constitution élective, un autre souverain, ne purent tomber d’accord dans ce choix, ils désignèrent, sur la proposition de l’un d’eux, rabbi Schaiil Wahl, Juif renommé par son intelligence et sa probité, comme roi provisoire, avec la faculté de nommer celui qui devait être définitivement roi de Pologne. Et c’est ainsi qu’un Juif, ancêtre de la famille de Samuel, de Londres, fut pendant une nuit roi de Pologne. »
La réponse à cette sorte d’interrogation est simple. C’est parce que la France avait 800,000 Juifs qu’elle les a chassés pour exister. C’est parce qu’elle les a chassés qu’elle est devenue la plus grande nation de l’Europe. C’est parce que la Pologne a recueilli ces Juifs, que livrée aux conspirations et à l’anarchie, elle a disparu du rang des peuples. C’est parce que la France a repris à son tour ces Juifs polonais qu’elle est en train de périr.
1. In tantum dilati sunt quod fere medietatem totius civitatis sibi vindicaverunt. Ri- gord, de Gestis Philippi Aug. Tome XVIII des Historiens de France.