LE JUIF DANS L’HISTOIRE DE FRANCE
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persévérèrent à présenter la môme traduction. Trois clercs instruits dans la science tliéologique et dans la langue hébraïque traduisirent enfin la lettre en latin. »
La lettre était adressée au prince des Sarrasins, maître de l’Orient et de la Palestine, siège de la nation juive, et dont le pouvoir s’étendait jusqu’à Grenade, en Espagne. On y demandait qu’un traité d’amitié fût conclu entre les Juifs et les Sarrasins ; et montrant l’espoir de voir les deux peuples réunis un jour dans la même religion, on priait le prince de vouloir bien restituer aux Juifs la terre de leurs ancêtres. On y lisait :
La nation chrétienne obéit au fils d’une femme vile et pauvre de notre peuple, qui a injustement usurpé notre héritage et celui de nos pères.
Lorsque nous aurons pour toujours réduit cette nation sous le joug de notre domination, vous nous remettrez en possession de notre grande cité de Jérusalem, de Jéricho et d’Ai, où repose l’arche sacrée. Et nous pourrons élever votre trône sur le royaume et la grande cité de Paris, si vous nous aidez à parvenir à ce but. En attendant, et comme vous pourrez vous en assurer par votre noble vice-roi de Grenade, nous avons travaillé à cette œuvre en jetant adroitement dans leurs boissons des substances empoisonnées, des poudres composées d’herbes amères et pernicieuses, en jetant des reptiles venimeux dans les eaux, dans les puits, dan les citernes, dans les fontaines et dans les cours d’eau, afin que les chrétiens, les uns après les autres et chacun suivant sa constitution, périssent prématurément sous les eflets des vapeurs corrompues exhalées par ces poisons.
Nous sommes venus à bout de ce projet particulièrement en distribuant des sommes considérables à quelques pauvres gens de leur religion que l’on appelle les lépreux. Mais ces misérables se sont tout à coup tournés contre nous, et, se voyant surpris par les autres chrétiens, ils nous ont accusés et ont dévoilé tout le fait. Néanmoins, il reste ce point glorieux pour nous, c’est que ces chrétiens avaient empoisonné leurs frères, marque certaine de leurs discordes et de leurs dissolutions.
Cette lettre contient encore un passage significatif :
Vous pourrez bientôt, avec l’aide de Dieu, passer la mer, vous rendre à Grenade et étendre sur le reste des chrétiens votre magnifique épée avec une main puissante et un bras invincible. Et ensuite vous serez assis sur le trône à Paris, et, dans le même temps, redevenus libres, nous posséderons la terre de nos pères que Dieu nous a promise, et nous vivrons dans la concorde sous une seule loi et un seul Dieu. 11 n’y aura plus jamais, à partir de ce temps, ni angoisses, ni chagrins, car Salomon a dit : « Celui qui marche uni avec un seul Dieu, celui-là n’a qu’une volonté avec lui. » David ajoute : « üh I qu’il est bon, qu’il est doux d’habiter ensemble comme des frères ! » Notre saint prophète Osée a ainsi parlé par avance des chrétiens : « Leur cœur est divisé, et à cause de cela, iis périront. »
La haine du Crucifix, qui est le sentiment dominant du Juif, est là tout entière : la politique sémitique est là également très clairement exposée.