LA FRANCE JUIVE
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blables. Lopez pria M. de Rambouillet de voir ce bon « maistre des re- questes ». Le « maistre des requestes » lui dit : « Monsieur, il n’y a rien de plus cL-ir; guadamasilles, etc. » M. de Rambouillet se mit à rire : « Hé, monsieur, luy dit-il, ce sont des tapisseries de cuir doré qu’il a fait venir d’Espagne pour M. de Bassompierre. »
Richelieu semble avoir traité son conseiller d’État comme on traiterait un Bratln ou un Gastagnary.
Le cardinal de Richelieu, raconte encore Tallemant, pour se divertir un jour que Lopez revenoit de Ruel avec toutes ses pierreries que le cardinal avoit voulu voir exprès, le fit attaquer par de feints voleurs qui pourtant ne lui firent que la peur. Il y alloit de tout son bien; aussi la peur fut-elle si grande, qu’il fallut changer de chemise au pont de Neuilly, tant sa chemise étoit gastée. Le chancelier, dans le carrosse duquel il estoit, dit qu’il se présenta assez hardiment aux voleurs. Le cardinal eut du déplaisir de lui avoir fait ce tour-là, car il avoit joué à faire mourir ce pauvre homme, et, pour raccommoder cela, il le fit manger à sa table. Ce n’estoit pas un petit honneur.
On n’épargnait guère, d’ailleurs, les plaisanteries à Lopez.
Un jour, l’abbé de Gercey et Lopez faisaient des façons à qui passerait le premier. — Allez donc, Lopez, dit Chasteller, maître des requêtes (ce corps décidément n’aimait pas les Juifs), l’Ancien Testament va devant le Nouveau.
Un autre jour, il demandait un prix excessif d’un crucifix. — Hé, lui dit-on, vous avez livré l’original à meilleur marché.
En dépit des railleurs, Lopez, à force de cumuler les métiers divers, n’en arriva pas moins à une fortune considérable qu’il affichait avec le mauvais ton de ses pareils. Il avait six chevaux de carrosse, « et jamais carrosse ne fut tant de fois au-devant des ambassadeurs que celui-là. »
Il possédait une assez belle maison dans la rue des Petits-Ghamps et répétait sans cesse : « Il y a une quantité immense de cheminées dans mon logis. »
En quoi cette phrase, sur laquelle s’esclaffent les contemporains, est-elle étonnante? Telle est la réflexion qui viendra à chacun, et cet étonnement même indique bien le chemin parcouru de la société polie, raffinée, bien élevée d’alors, à la société brutale et grossière d’aujourd’hui.
... De nos jours le sentiment de certaines nuances délicates est émoussé même chez les Chrétiens. Personne n’est surpris lorsque le baron Hirsch, ayant à sa table des gens qui ont la prétention de représenter le faubourg Saint-Germain, dit tranquillement à ses convives au moment où l’on sert