LE JUIF DANS L’HISTOIRE DE FRANCE
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La maison est attenante aux Magasins Généraux, et de vastes hangars ont été construits pour déposer le trop-plein des marchandises. Au premier étage est installé le bureau de l’inspecteur de la navigation pour le bassin de la Villette.
On ignore dans le quartier qu’il y a là un cimetière. Les Juifs cependant viennent le visiter quelquefois; qui sait? peut-être se recueillir comme Abdolonyme, qui, de jardinier devenu roi, allait contempler dans un coin de son palais ses humbles vêtements qui lui rappelaient sa condition première.
Nul lieu n’est plus propre aux méditations. Le mur, noir de salpêtre, tombe en miettes. L’herbe pousse sèche et maigre dans cet enclos aride, qu’ombragent quelques arbres rachitiques. L’humidité a rongé les pierres tombales chargées de caractères hébraïques et rendu la plupart des inscriptions méconnaissables; l’endroit est utilisé maintenant comme lieu de débarras. Dans les coins on dépose des tessons de bouteilles et de la vieille ferraille. Sous la mousse verdâtre nous découvrons quelques inscriptions qui prouvent que le cimetière servait encore aux inhumations pendant la République et les premières années de l’Empire :
Ici repose La bien-aimèe Judith Delvallée Silveyra, âgée de 36 ans, née à Bayonne , décédée à Pantin , près de Paris , le 9 de tristry de l’an 55 63 de la création du monde, correspondant au 13 vendémiaire de l’an II.
Ici repose le corps d’Abraham Lopes Laguna, né à Bordeaux , décédé le 19 juin 1807, âgé de 58 ans. Le temps, maître de tout, l’a retiré de ce monde avec tous les regrets de la famille.
Nous trouvons encore les noms des Lagonna, des Dacosta, de Salomon Perpignan, l’un des fondateurs de l’école gratuite de dessin.
Le cimetière contient 28 sépultures en tout.
Le corps de Jacob Pereire , qui avait été enterré là, a été exhumé par les soins de la famille en 1878.
On est pris de pitié en songeant à ces funérailles clandestines de jadis ! Je sais bien qu’ils ont été implacables eux-mêmes pour nos morts dès qu’ils ont été les maîtres, et je dirai plus loin la douloureuse histoire d’un pauvre vieux de 70 ans, que la Franc-Maçonnerie juive tua en le jetant dans la neige et auquel elle refusa de dormir son sommeil éternel en cet Ermitage dans lequel il avait rêvé de prier Dieu tranquillement.
N’importe ! on s’émeut involontairement et on s’intéresse aux efforts tentés par les Juifs pour essayer d’avoir une tombe dans cette terre de France qui devait leur appartenir.
Les Juifs allemands, représentés par Goldsmidt, et les Juifs portugais,