LE JUIF DANS L’HISTOIRE DE FRANCE
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Un représentant, nommé Prugnon, que les Juifs avaient gagné, s’opposa à cette motion, sous prétexte que les lois civiles des Juifs étaient identifiées avec leurs lois religieuses. D’après Prugnon, c’était la France qui devait se soumettre aux Juifs et non les Juifs à la France.
L’Assemblée, visiblement fatiguée de ces débats, décréta en ces termes la motion de Dupont :
« L’Assemblée nationale, considérant que les conditions nécessaires pour être citoyen français sont fixées par la Constitution et que tout homme qui, réunissant lesdites conditions prête le serment civique et s’engage à remplir les devoirs que la Constitution impose, a droit à tous les avantages qu’elle assure,
« Révoque tous ajournements, réserves, exceptions insérés dans les précédents décrets relativement aux Juifs qui prêteront le serment civique, qui sera regardé comme une renonciation à tous privilèges et exemptions précédemment introduits en leur faveur 1 * * 4 . »
Rewbell revint pourtant à la charge et demanda que l’Assemblée, si tendre pour les Juifs, eilt quelque pitié pour les Chrétiens de l'Alsace :
Les Juifs, dit-il, sont en ce moment, en Alsace, créanciers de 12 à 15 millions tant en capital qu’en intérêts. Si l’on considère que la réunion des débiteurs ne possède pas 3 millions, et que les Juifs ne sont pas gens à prêter 15 millions sur 3 millions de vaillant, on sera convaincu qu’il y a au moins sur ces créances 12 millions d’usure.
L’Assemblée décréta que les Juifs seraient obligés de fournir, dans le délai d’un mois, une justification de leurs créances, afin qu’on pût procéder à une liquidation équitable de ces créances.
Aucune suite, naturellement, ne fut donnée à cette mesure. Quand vous ferez rendre gorge à un Juif, vous serez singulièrement malin.
Le Juif était en France !
La nouvelle circulait de ville en ville, réveillant l’espérance dans les plus lointains ghettos, faisant éclater les actions de grâces au Saint Béni dans tous les temples, dans toutes les synagogues, dans toutes les schoules.
1. La bonne et pieuse Madame Elisabeth aperçut bien les malheurs que cette mesure attirerait sur la France. « L’Assemblée, écrit-elle à madame de Bombelles, à mis le comble à toutes ses sottises et irréligions en donnant aux Juifs le droit d’être admis à tous les emplois.
Je ne puis te rendre combien je suis en colère de ce décret. Mais Dieu a ses jours de vengeance, et, s’il souffre longtemps le mal, il ne le punit pourtant pas avec moins de force. »
Dans un discours prononcé au mois de mai 1872, Crémieux raille doucement l’innocente
victime qui a été plus prévoyante que les politiques.