LE JUIF DANS L'HISTOIRE DE FRANCE
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Selon M. Kohn, les premiers officiers juifs auraient été MM. d’Almbert, Mardochée et Pollonais, sortis en 1809 le premier de l’École polytechnique , les deux autres de l’École Saint-Cyr *.
Les Juifs, en présence des nouvelles mesures, se bornèrent en apparence à des doléances, mais le divorce était complet entre eux et l’Empereur. Napoléon , qu’il fût ou non d’origine sémitique, personnifiait, même en matière financière, le contraire de l’esprit juif 2 . Par un contraste comme on en rencontre tant dans cet étonnant génie, cet homme si chimérique en certaines questions, ce poète en action à la façon d’un Alexandre ou d’un Antar , était, dès qu’il s’agissait des finances publiques, l’économe le plus rigide, le plus méticuleux, le plus probe qu’on eût vu depuis Colbert . Pour des œuvres qui honoraient le nom français , pour des constructions, pour des encouragements aux artistes, pour des fêtes plus éclatantes que toutes celles qu’avatit contemplées le monde jusqu’à lui, il jetait l’or sans compter, puis le lendemain il défendait l’argent de son peuple,
1. La Notice sur l'état des Israélites en France par E.-C. M.. citait, sous la Restauration, parmi les militaires d’origine israélite : « Le général baron Wolff, maréchal de camp, commandeur de la Légion d’honneur; son frère, chef de bataillon, chevalier delà même Légion; le colonel Maurice; Alphonse-Théodore Cerf Beer, capitaine d’artillerie, chevalier de la Légion d’honneur ; Gustave .Mévil, capitaine d'artillerie, chevalier de la Légion d’honneur; Festel, capitaine, directeur du dépôt d'armes de Alutzig, officier de la Légion d’honneur; Worms 111s, capitaine et chevalier; Lion Berr, capitaine aux Invalides , etc., etc ».
Le pédicure de Napoléon 1 er , un nommé Tobias, était Juif; il exerça plus tard les mêmes fonctions près du duc de Berry. L'annuaire des Archives Israélites nous raconte de ce Tobias un trait un peu burlesque, mais touchant quand même, car un homme qui respecte sa religion, même dans l'état de pédicure, est toujours respectable : « Un jour de Rosch-Haschanah, Tobias était à la synagogue lorsqu'on vint le chercher en toute hâte de la part du duc de Berry. L’embarras du pédicure fut extrême; il alla prendre conseil du Grand Rabbin Michel Seligman. Le vénéré pasteur s’associa aux scrupules de son religieux administré ; il l’engagea néanmoins à se rendre aux ordres du prince, un refus, à cette époque de cléricalisme outré, pouvant avoir de graves conséquences, mais à s’arranger pour ne violer qu’à la dernière extrémité la solennité du jour.
Tobias, très perplexe, arrive aux Tuileries .
— Ah! que je souffre! s’écrie le duc de Berry en l’apercevant, il me tarde d’être délivré de mes maux.
Tobias se baisse, examine attentivement le pied, et appuie du doigt à diverses reprises sur la partie occupée par les cors.
— Aïe! crie le prince, vous me faites mal.
— Voyez-vous, Monseigneur, réplique hardiment notre pédicure subitement inspiré, je remarque une violente inflammation, et, dans ces conditions, il y aurait un véritable danger à opérer. Patientez un jour ou deux, ayez soin d’entourer le pied de compresses, et je reviendrai vous débarrasser de votre cor.
Grâce à ce subterfuge. Tobias échappa à l’extrémité cruelle, pour un si scrupuleux pratiquant, de violer la solennité du « Rosch-Haschanah. »
2. Dans une discussion au Conseil d’État , il indiquait bien le caractère parasitaire de la race : « On ne se plaint point, disait-il, des protestants et des catholiques, comme on se plaint des Juifs. C’est que le mal que font les Juifs ne vient pas des individus, mais de la constitution même de ce peuple; Ce sont des sauterelles et des chenilles qui ravagent la France . »