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LA FRANCE JUIVE
Évidemment, en songeant à nous, Bismarck était hanté à chaque instant par le souvenir des malédictions qui ont poursuivi ceux qui ont détruit la malheureuse Pologne par la violence et la ruse. Il a voulu que sa mémoire restât pure de l’ombre que jettent même sur les succès de tels procédés.
Ce qui est certain, c’est que sa conduite fut très nette. Nul ne pourra prétendre que l’homme d’État allemand ait trompé la France : il lui a dit constamment la vérité. Lors du procès d’Arnim, il rendait publiques des lettres dans lesquelles il déclarait que la République était le gouvernement qui faisait le mieux les affaires de l’Allemagne . Une autre fois, il reconnaissait que la seule force qui existait encore en France était dans les croyances religieuses. En 1883, au moment de la divulgation de la triple alliance entre l’Allemagne , l’Autriche et l’Italie , les journaux officieux allemands proclamaient nettement «que la République , en rendant la France incapable de se réorganiser, était la meilleure garantie de la paix européenne . »
Dans les plus petits détails, l’Allemagne apporte cette franchise brutale, grossière, mais réelle. En constatant sur un ton méprisant le dégoût que les officiers allemands éprouvent à se trouver en rapport avec Thibaudin, l’homme qui a manqué à sa paroles, les Grenzboten, la Revue officielle du chancelier, disaient crûment :
L’Allemagne ne peut que souhaiter de voir le général Thibaudin conserver le plus longtemps possible le portefeuille de la guerre.
De même, en effet, que le maintien de la République en France est la meilleure garantie delà paix européenne , de même un homme d’un passé tel que celui du général Thibaudin doit exercer sur l'armée française — où, en raison des dissentiments politiques entre les officiers, la cohésion n’est sauvegardée que par les idées de devoir et d’honneur — « une action complètement dissolvante. »
La France, encore une fois, n’a pas été trompée, elle a été libre de se sauver elle-même 1 ; elle a pu avoir à sa tête, au lieu de tous les ignobles drôles qui la déshonorent et la pillent, le plus honnête des hommes et le plus noble des rois : elle n’a pas voulu ; elle aussi a réclamé Barabbas .
Devant les provocations incessantes de Gambetta, qu’il était facile d’accepter de façon à rendre une guerre inévitable, l’hôte de Varzin , sous
1. Bismarck n’intervint dans nos affaires d une façon active qu’une seule fois, en s’opposant à la proclamation de l’état de siège pendant le Seize-Mai. Je crois pouvoir affirmer ce fait sans crainte d’être démenti. On devine l’intérêt qu’avait le chancelier au triomphe des républicains qui perpétuaient l’anarchie en France .