434 LA FRANCE JUIVE
j Bourse du Boulevard. Ils avaient foi en lui d’ailleurs; il n’était point dou- ; teux, pour eux, que dans le cabinet de toilette des Jardies, où se rajustaient à la hâte les interlopes visiteuses qui venaient entretenir le maître des affaires du Tonkin 1 , ne fût placée cette statue d’or de la Victoire, qui ne quittait le chevet de l’Empereur que quand l’Empereur était mort, et qu’Antonin, près d’expirer, envoya à son successeur, en disant au centurion d’aller demander le mot d’ordre à Marc-Aurèle.
Ce coin d’empire juif, apparaissant tout à coup en pleine France, sera l’émerveillement de l’avenir qui ne reverra rien d’aussi extraordinaire d’ici à bien longtemps. Sans doute tous ces Cortigiani procédaient de certains personnages de Balzac; ils se rattachaient aux Andoche Finot, aux Werbrust, aux du Tillet, ces cormorans que l’auteur de la Comédie humaine nous montre « éclos dans l’écume de l’océan parisien ». Une pointe de sectaire cependant se mêlait chez eux à l’absence de toute croyance et de tout préjugé. En recueillant partout les petits papiers , en ramassant dans les
(1) U faut lire les documents publiés au sujet des commencements de cette affaire du Tonkin par tous les journaux et notamment par la lléfonne, qui a longtemgs appartenu à XValdeck-Housseau, que le mépris public a affublé du nom de Valtesse-Uousseau. Ils éclairent bien l’ignominie de ce gouvernement qui envoie à la mort un héros comme Rivière pour satisfaire la fantaisie d’une courtisane.
Un premier rapport avait été adressé par M 11 » Valtesse. 11 était ainsi conçu :
« Pour mener à bien les choses, ici, il faudrait s’appuyer sur le roi Tu-Duc, qui est avide et vaniteux, le mettre en défiance contre la Chine et l’Espagne (à tort, on a laissé s’implanter ici des missionnaires espagnols), s'il était possible, provoquer de la part des Chinois du Yuu-Nam une tentative d’action sur le Tonkin, offrir au roi l’abri du pavillon français et imposer le protectorat.
« Septembre 1880. « Valtesse de la Ligne. »
Gambetta répondit à cette dame :
Paris, 14 septembre 1880.
Madame,
« Je vous remercie et je vous suis très reconnaissant de la communication que vous avez bien voulu me faire. Je la trouve excellente de forme et de fond, et vous devriez bien la faire publier, si vous ne préférez que je la fasse publier moi-môme.
« Je compte sur votre bonne promesse au retour do la personne bien renseignée, et je la recevrai avec bien du plaisir.
« Avec mes remerciements, recevez l’assurance de mes meilleurs sentiments.
« Gambetta. »
Plus tard, de nombreuses entrevues eurent lieu à Ville-d’Avray entre Gambetta et cette intéressante personne pour aviser au moyen de tirer quelque prolit du sang de nos pauvres scddats. C'était Laurier qui avait mis toute cette affaire eu train, mais il paraît s’en être retiré, ne la trouvant pas assez avantageuse. C’est à cette occasion qu’il écrivit ce mot fameux : « M. Dupuis trouve que les députés sont trop chers. » Les prix, parait-il, ont baissé depuis.
Je puis ajouter que c’est à M. Gai, l’aimable directeur de la Liberté, que M Uo Valtesse était venue tout d’abord confier ses projets de colonisation. Gai, qui est du Midi, mais du Midi fin, reconduisit sagement la visiteuse en lui disant gentiment : « Allez voir Gambetta, mon enfant, vous trouverez là tout ce qu’il vous faut. »