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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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GAMBETTA ET SA COUR

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imprimeries la copie des écrivains, pour en fabriquer plus tard de fausses lettres, ils ne servaient pas seulement un homme, ils servaient une cause; ils trouvaient parfois une ombre de talent pour insulter de saints religieux ou des petites Sœurs des Pauvres, de la même plume qui venait de vanter les actions dune société nouvelle.

Tout ce petit groupe haineux et avide crut vraiment, à un moment donné, que la France était conquise. Les excursions dans les départements rappelèrent le célèbre voyage en Achaïe que Néron entreprit lorsquil jugea Rome indigne de lapplaudir. Après Gahors, ce fut Lixièux; partout des scènes dune indescriptible gaîté signalent ces pérégrinations. Les estrades sécroulent, les orateurs roulent les uns sur les autres; la clique claque, on claque la clique. Arnaud de lAriège, qui veut faire oublier, par lexagé­ration de son zèle, quil nest pas dorigine juive, menace de la main un reporter qui, coram populo, corrige immédiatement le cubicularius. La musique électrisée, qui croit que cest dans le programme, attaque énergi­quement la Marseillaise, pendant que Spuiler, tout meurtri de sa chute de lestrade, se met tout à coup à commencer un discours en allemand...

Le désordre est tel en France, lentraînement vers la servitude si irrésistible, lamour dune autorité, quelle quelle soit, si profondément invétéré, quon rend spontanément des honneurs souverains à un homme qui ny a pas plus droit que le premier député venu.

Sil y avait eu une ombre dorganisation dans le pays, pensez-vous quon eût gardé dans les cadres de larmée le général qui, commandant à Gahors, se permettait, au mépris de tous les règlements, de faire prendre les armes à la garnison pour former la haie devant un citoyen qui nétait plus même président de la Chambre, puisque la session était close?

Pourquoi ce général faisait-il cela? Tout bonnement, parce quil était prêt à obéir à nimporte qui.

Au moment du vote du scrutin de liste par la Chambre, Gambetta exerçait véritablement l'imperium. Il régnait derrière le président Judith, quon navait choisi quà cause de son nom, et qui, après avoir brisé les crucifix dans sa jeunesse, regardait en souriant, dans sa vieillesse, dautres les briser à sa place. Les invitations aux légendaires déjeuners de Trom­pette étaient aussi recherchées que leussent été des invitations au Palatin : la terre, à dix-huit cents ans de distance, revoyait cette chose étrange, avilissante, et très folle aussi, qui avait été le Bas Empire. Il y eut, en effet, dans tout ce que faisait Gambetta, un côté fantaisiste, imprévu, extrava-