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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

[ parmi tant dabjections et de hontes, eut un éclair dindignation, un élan de généreuse colère.

« Tirez le rideau, la farce est jouée! » aurait pu dire le nouvel Auguste,

sil avait eu la force de parler, pendant que les fidèles tiraient à la hâte une portière qui devait protéger sa fuite. Mais le maître navait pas lesprit à des réminiscences classiques. Pris dun accident, habituel à Gléon, sil faut en croire Aristophane, il souillait les coussins du beau coupé qui courait à fond de train sur le dur pavé des rues populaires. Il allait, il allait le coupé, et les lanternes de cristal jetaient, en passant, sur langle noir dun mur, sur les vitres dun cabaret suspect, sur la tille debout près dune borne, des clartés étincelantes, rapides comme le galop furieux du pur sang. Parfois, on entendait sortir du véhicule des sons gutturaux et inintelligibles. Cétait Spuller qui, comme dans toutes les grandes émotions, sétait mis à parler allemand, et qui ninterrompait ses lamentations tudesques que pour sécrier en français: « Gela nest bas pon ! Gela ne sent bas pon ! »

César, ce jour-, nalla pas jusquaux Gémonies, et ne songea pas à demander à quelque Epaphrodite de lui apprendre comment on se tuait ; il nen était pas moins blessé à mort *.

Vos yeux se sont-ils arrêtés parfois sur une curieuse eau-forte de Rem­brandt : La Fortune contraire? Le long du rivage un lourd cavalier, un Vi- tellius à tête laurée, poussif et bouffi de graisse, vient de rouler à bas de son cheval. Dans le lointain on aperçoit des statues, des Hermès. A gau­che, la foule se précipite vers un temple dont les colonnes rappellent un peu la Bourse. A droite, une Fortune debout tend la voile dune barque qui séloigne avec le vent en poupe. Absolument nue, cette Fortune mon­tre ses fesses au cavalier désarçonné qui, étalé dans la poussière, jette en vain vers la déesse un regard suppliant. Cette allégorie brutale ma tou­jours paru merveilleusement résumer, par son cynisme même, la fin de

1. Quelques jours avant cette soirée néfaste pour lui, Gambetta avait eu une parole qui caractérise bien le degré d'orgueil oh il était arrivé.

On sait que lancienne circonscription de Belleville avait été divisée en deux. Les action­naires de Gambetta tinrent une assemblée générale pour savoir sil devait se présenter dans les deux sections ou en laisser une libre pour Tony-Révillon. En bons courtisans, les affidés du maître se prononcèrent pour les deux sections : succès assuré, apothéose certaine, etc... Une voix prévoyante séleva cependant pour conseiller la prudence et déclarer que Gambetta pourrait bien être battu par Tony-Révillon. Naturellement la clairvoyance fut huée ; mais Quentin, qui menait le chœur des enthousiastes, fut directement interpellé par lhomme pré­voyant, qui lui dit :

Voyons, Quentin, cest vous-même qui mavez dit cela... Est-ce la vérité?

A ce mot, Gambetta se lève, tout enflammé de colère, et sécrie :

Ah! la vérité! la vérité! Jen ai assez, de la vérité!

Nest-ce pas tout à fait un mot dEmpereur romain?