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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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GAMBETTA ET SA COUR

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cette destinée restée si basse en dépit dune chance si incompréhensible.

Ce cavalier grotesque nest ni un Titan foudroyé, ni un héros terrassé parle sort; cest moins encore que Vitellius; cest un bazochien pris de vin qui a voulu se montrer au Bois et qui a ridiculement culbuté.

Au-dessus des champs de bataille, vient de succomber le rêve de puissance dun Napoléon ou le rêve de liberté dun Brutus, on voit planer, graves et senvolant lentement, des Fortunes ailées qui semblent respec­tueuses de ceux quelles viennent de frapper. Ce nest ni dans les Parthé- nons, ni dans les Capitoles, cest au musée de Naples quhabite la Fortune qui convenait ici, la Fortune obscène qui, honteuse du favori quelle avait choisi, pendant un moment dégarement, lui montre en séloignant le moins noble de ses deux visages.

La situation était difficile pour Gambetta. Il avait gorgé ses créatures sans pouvoir les satisfaire, et devant le déficit, qui déjà menaçait, on avait clôturer ce compte de liquidation qui, échappant au contrôle de la Cour des comptes, permettait les dilapidations les plus effrontées.

Un beau jour, un député, du nom de Baïhaut, était venu en souriant proposer aux représentants de la France dapprouver à la fois les dépen­ses de 1870, montant à deux milliards cinq cent dix millions six cent vingt et un mille cinquante-sept francs quatre-vingt-treize centimes (2.510.621.057 fr. 93 cent.), plus les dépenses effectuées sur ce même budget, jusquà la clô­ture du compte de liquidation, et fixées à deux milliards quatre cent qua­rante-huit millions six cent soixante-trois millecinqcent quarante-neuf francs vingt-neuf centimes, (2.448.663.549 fr. 29 cent.), plus encore des dépenses restant à payer montant à soixante et un millions neuf cent cinquante-sept mille cinq cent huit francs soixante-quatre centimes. (61.957.508 fr. 64 cent.). Tout cela, pour arriver à ne pas pouvoir mettre un régiment sur pied au moment de la guerre de Tunisie, et à faire écrire au colonel Grand- Clément : « Nous navons pas darmée ! »

La Chambre, servile comme dhabitude, avait voté cette bagatelle de quelques milliards sans une seule discussion, sans demander une seule explication, sans rechercher ce quil avait se commettre dedans dac­tes irréguliers et frauduleux.

Ce Baïhlut, dailleurs, qui garantissait sur sa parole que ces sommes énormes avaient été honnêtement employées, nétait pas un novice en ma­tière financière : ancien chef de bureau au Crédit lyonnais, il avait contri-

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bué à la fondation dune société des Pêcheries dont les actions, émises à cinq cents francs, se vendent maintenant au prix du papier, et il répétait