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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

qui brûlaient dans les lampadaires. Le municipal de service étouffait de rire dans son uniforme, et lon aperçut comme des ondulations de dos qui riaient dans la députation des membres de la gauche, qui défilait grave­ment, mêlant à de patriotiques lamentations des appréciations diverses sur les mines dor de lUruguay de Tirard, qui valaient encore deux écus, et les pêcheries de Baïhaut.qui ne valaient plus que vingt sous tout mouillés!

La vision de la place de la Concorde, au grand jour des obsèques, mest restée dans les yeux. Un temps de mars avec des giboulées menaçantes, plus quun temps de janvier, un soleil trempé de pluie, les cavaliers de retour du Bois arrêtant leurs chevaux au bas de lavenue, des femmes de tous les mondes, en toilette du matin, grimpées sur des voitures, des grappes humaines dans les arbres, la terrasse des cercles pleine de curieux, au loin la façade de la Chambre avec son grand voile noir,' décor théâ­tral qui ne choquait pas et convenait à lhomme et à la circonstance.

Limpression, dun bout à lautre de Paris, fut la même. Un certain plaisir dêtre débarrassé, mais nulle haine. Gambetta mort ninspirait pas la haine, on ne découvrait pas en lui les côtés bassement féroces de Ferry' qui goûte un plaisir personnel aux méfaits quil commet. Lopinion una­nime, devançant le jugement de lhistoire qui commençait déjà, sentait très bien que cet homme avait été un instrument, un délégué des Francs- Maçons, qui lui avaient offert le verre dans lequel avait bu Luther, un chargé daffaires des Juifs qui avaient mis sur ses épaules un manteau dEmpereur temporaire. 1

Le prince de Hohenlohe, qui vint une minute devant la Chambre, et qui naturellement refusa de suivre un enterrement civil, dit simplement sur le pont de la Concorde à une dame que je pourrais citer: « Vous navez pas perdu grand chose avec Gambetta, mais cest un grand malheur pour vous que la mort de Chanzy. »

Le poids du cerveau disait le peu de fonds intellectuel quil y avait chez cet homme bruyant comme tout ce qui est vidé. Le cerveau de Byron pesait 2,238 grammes, celui de Cromwell 2,231 grammes, celui de Cuvier 1,829 grammes, celui de Dupuytren 1,436 grammes: le cerveau de Gambetta ne pesait que 1,160 grammes. Cétait un cerveau de ténor, et effectivement il y avait du ténor chez ce grand premier rôle de la politique qui resta comédien jusque dans les moelles.

Ténor certes, artiste jamais. Rien nest plus intéressant et plus instructif, selon moi, que létude de ce talent. On a ri à gorge déployée de ces phrases devenues légendaires : « Ha.vra.is, je connais vos besoins, je