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De cet or, si péniblement arraché à un peuple qui meurt de faim, le Juif veut la plus grosse part. On n’avait pas encore recueilli un sou qu’on parlait déjà de donner six millions au Juif Spitzer pour lui acheter sa collection.
C’est un marchand, direz-vous, que ce Spitzer? Gardez-vous de le croife. Gomme tous les Juifs, Spitzer est un bienfaiteur de l’humanité. Le Bourgeois-Gentilhomme, qui se connaissait en étoffes, achetait quelques coupons qu’il revendait à ses amis moyennant un léger bénéfice, mais par pure obligeance. Spitzer a acheté quelques vieux meubles et quelques pots cassés, et il nous les offre moyennant six millions, parce qu’il aime la France .
Ne vous permettez pas de plaisanter ! Écoutez plutôt, comme Eugène Miintz, bibliothécaire à l’École des Beaux-Arts, parie de son compère Spitzer dans une lettre adressée à l’Art : « Si M. Proust était vraiment parvenu à conquérir pour six millions pareille collection, ou ne saurait assez lui voter de remerciements, quelle que soit sa destination, tout comme on ne pourrait trop combler d’honneurs le vendeur qui aurait poussé le désintéressement jusqu’à des limites aussi invraisemblables. »
Je regrette seulement que M. Müntz n’ait pas mieux précisé ce qu’il entendait par « combler quelqu'un d’honneurs. » Voudrait-il qu’on conduisît Spitzer, monté sur un cheval blanc comme un nouveau Mardochée , à travers les rues de la capitale? N’est-ce point assez pour une générosité « qui atteint des limites invraisemblables? » Souhaite-t-il que l’on remette à ce Remonencq magnifique, à ce père Lemans héroïque, l’épée de conné- • table devant les troupes assemblées, dans le frémissement solennel des drapeaux lentement inclinés ?
Je ne rappellerai pas les actes inqualifiables qui firent de cette loterie une opération sans exemple. Nouvelles mensongères, chiffres frauduleux, manœuvres dolosives de toute sorte, il n’en aurait pas fallu le quart autrefois pour mettre toute la maréchaussée aux trousses des singuliers indus- driels qui donnaient ce spectacle *.
premier moment, le journaliste, obéissant à un élan d’honnêteté, flétrit cette loterie. Quelque temps après, l'homne d’argent du journal intervient. Quoi de plus significatif sous ce rapport que le revirem nt imposé au Voltaire par le fils Ménier? Le journal commence par s’élever contre l’abus de ces loteries où les frais de bureau mangent presque toujours la plus grosse part des bénéfices, et, deux mois après, il déclare qu'il entend concourir de toutes ses forces à ia réussite de l’entreprise de Proust .
I. Voir à ce sujet, dans la Nouvelle Presse des B, 9, li août 1884 ét jours suivants les articles de M. Marius Vaclion qui sont un véritable réquisitoire. Voir aussi, à la même