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PARIS JUIF ET LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
« La porte s’ouvrit, et, les bras tendus, les yeux humides, le nouveau venu s’élança vers Wolff. « Gondinet! »
N’est-ce pas complet cet agenouillement devant Wolff, dans l’espoir encore lointain d’une réclame, d’un homme qui, après Dumas et Sardou, est ii l’heure présente un des triomphants de la scène française ?
J’ai tort de noircir tant de pages pour écrire l’histoire psychologique de mon temps; cette histoire pourrait s’écrire en cinq mots : Oc siècle est effroyablement lâche.
C’est à un mensonge perpétuel que l’on a recours pour dissimuler celte universelle lâcheté. Il n’est pas un mot de ce qu’on écrit qui ne soit une offense à la vérité. Parmi ces écrivains, qui parlent à chaque instant de patriotisme, pas un seul n’a eu l’idée de faire ce que j’ai fait, d’aller au Ministère de la Justice s’assurer si ce Prussien, qu’ils recevaient au milieu d’eux, devant lequel ils s’entretenaient ouvertement de toute chose, avait tenu sa parole, s’il s'était fait naturaliser vaincu.
Or, jamais Wolff n'a été naturalisé Français -, jamais il n’a demandé à l’être. Par un décret du 7 mai 1872, « le sieur Wolff (Abraham , dit Albert) a été autorisé à établir son domicile en France . » Cette autorisation le place, il est vrai, sous un régime de tolérance; il peut faire des actes civils, c’est-à-dire des commerces d’épicerie ou de belles-lettres sans être exposé à être expulsé; mais, je le répète, jamais il n’a été naturalisé Français , — ce (lui lui permet d’avoir un pied en France et l’autre en Prusse.
Et c’est ce Prussien qui traite de haut nos gentilshommes, lorsqu’il se produit un scandale, qui parle au nom de l’art national, qui morigène des maîtres qui, par peur du Fiyaro, n’osent pas remettre cct homme à sa place!
Grâce au Fiyaro, Wolff' exerce dans le monde artistique la terreur qu'Eugène Mayer exerce dans le inonde politique. — L’invraisemblable Turquetcite ce Prussien comme une autorité dans un discours solennel. J’ai vu des peintres, des artistes vaillants dont les jambes tremblaient littéralement sous eux, lorsque ce hideux fantoche passait devant leurs tableaux dans les jours qui précédent l’ouverture du Salon.
Les écrivains, qui ont accueilli parmi eux, au Figaro , ce maître chanteur, sont-ils donc semblables à lui? Sont-ils donc capables de couvrir d’invectives dans leurs articles un homme coupable seulement de leur réclamer cent francs? Assurément non. Francis Magnard est un sceptique mais un fin lettré, très serviable. Saint-Genest a été un brave soldat avant d’être un journaliste, qui a le courage, plus rare qu’on ne croit, de répéter