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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

lentrée des œuvres d'art quil équivaut à une prohibition absolue.

Quel épisode encore que la statue de Bartholdi : La Liberté éclairant le monde ! Pendant des années, le Comité répétait sur tous les tons : « Notre chère sœur lAmérique nous adore; ses ambassadeurs, dans toutes les capitales, nous lont bien prouvé, pendant la guerre de 1870, en buvant au succès de la Prusse et à labaissement de la France 1 ; souscrivons pour élever un monument impérissable de lamour qui nous unit! »

Quand la statue est enfin terminée, après des appels de fonds incessants, les Américains déclarent quils nen veulent à aucun prix, quils ne donne­ront pas cinquante centimes pour le piédestal. Le Congrès refuse de voter la moindre somme. Dans un pays lon réunit un million de dollars en quelques heures pour nimporte quelle souscription, les particuliers haussent les épaules quand on leur propose de souscrire *.

Le cœur ne se serre-t-il pas lorsquon pense quil suffit de quelques agi­tés pour réduire notre France à ce rôle de pauvre chien qui court porter ses caresses a tout le monde et que tout le monde repousse à coup de pied?

Sans les Gambetta, les Waddington, les Spuller, sans tous les étrangers qui nous ont fourrés dans les complications lon intrigue, comme leurs journalistes nous ont fourrésdans les souscriptions l'on tripote, quil eût été magnifique encore une fois le rôle de notre chère Patrie! Avoir émancipé lAmérique , avoir affranchi lItalie , avoir combattu partout pour ce qui nous paraissait la justice, et demeurer tranquille dans un recueille­ment de vaincu! Au bout de dix ans de ce repos fier, on serait venu hum­blement nous demander de donner notre avis dans les conseils de lEurope...

1. Il convient de reconnaître la noble altitude <1e Victor Hugo , qui se souvenait parfois, malgré les promiscuités auxquelles il se prêtait, qu'il était fils d'un soldat. On lui avait annoncé la visite de Grant, le président-agioteur dont la langue, on le sait, est tombée pourrie, sans doute de toutes les injures qu'il avait vomies contre nous en 1870 : « Que M. Mac-Mahon le reçoive, sil le veut, disait un jour le poète devant nous; s'il se présente ici, je le fais jeter à la porte! » Qui ne se rappelle, dans l 'Annfe terrible, la pièce intitulée Bancroft, et surtout le Message de Grant :

... Ab! sois maudit, malheureux qui mêlas Sur le (1er pavillon quun vent des cieux secoue Aux gouttes de lumière une tache de boue!

i. Pour se débarrasser de cette statue dont on les ennuyait sans cesse, les Américains finirent par linaugurer au mois doctobre 1886; mais ils profitèrent de la circonstance pour donner une verte leçon au Spuller et au Desmons que la France avait envoyés pour la représenter. La cérémonie commença par une prière, et les députés qui persécutent toute croyance en France durent sincliner sous la bénédiction d'un pasteur, tandis que les Yankees se montraient du doigt en ricai ant ces deux étranges ambassadeurs de la France catholique 11 est vrai que les deux bons républicains avaient saisi l'occasion au vol pour se faire octroyer 6,000 francs chacun pour un voyage dont tous les frais étaient payés.