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Devant cet alcoolisme léthifère, on se prend à songer à l’époque où les Grieurs de vin étaient en même temps Grieurs de morts et s’en allaient, vêtus d’une dalmatique semée d’ossements entrecroisés, annoncer partout le nom des trépassés. C’est leur propre mort que les marchands d’aujourd’hui pourraient annoncer d’avance à ceux auxquels ils versent l’absinthe et le trois-six.
Les rois chrétiens avaient fait de cette question l’objet de leur plus contante sollicitude. Écoutez Louis Blanc lui-même, dont on ne récusera pas le témoignage :
Mêlées à la rt ligion, écrit-il, les corporations du Moyen Age y avaient puisé l’amour des choses religieuses, mais protéger les faibles était une des préoccupations les plus chères au législateur chrétien. Il recommande la probité aux mesureurs, il défend au tavernier de hausser jamais le prix du gros vin, comme boisson du peuple; il veut que les denrées se montrent en plein marché, qu’elles soient bonnes et loyales, et afin que le pauvre puisse avoir sa vie au meilleur prix, les marchands n’auront qu’a- près tous les autres habitants de la cité la permission d’acheter des vivres *.
« La folie s'accroît, écrit M. M. Legoyt dans la Revue scientifique ; elle s’accroît partout et plus rapidement que la population. L’accroissement des admis, pour la première fois, dans les asiles, a été, de 1871 à 1880, de 55 pour cent, proportion véritablement énorme surtout comparativement à la population, qui n’a pas augmenté de plus de 4 peur cent. »
Le nombre des aliénés traités dans les asiles était de 10,549 en 1835, et de 48,813 en 1882.
Au mois de janvier 1801, le département de la Seine fournissait 946 aliénés.
Au 31 décembre 1883, il s'en trouvait 8,907, soit en plus 7,961.
Ainsi, en quatre-vingt-trois ans, la population des aliénés a sextuplé dans des proportions qui représentent un accroissement moyeu annuel de 95 personnes, tandis que, durant la même période, le nombre des habitants de la Seine s’est à peine augmenté du triple.
Dans les Vosges , le département représenté par les frères Ferry et par Méline, où la Franc-Maçonnerie , naturellement toute-puissante, peut tout se permettre et se permet tout, la folie a fait de tels progrès que, dans la session d’aoùt 1884, le Conseil général, considérant le grand nombre de cas d’alienation mentale qui se produit dans le pays, émet le vœu : “ que le Gouvernement réprime sévèrement les fraudes qui se commettent journellement sur les alcools, et présente une loi modifiant celle qui permet aux débitants des boissons d’ouvrir leurs établissements. »
« Le crime, dit le Voltaire , grand admirateur de la République , s’étend de plus en plus, comme une marée qui monte, et dont souvent les flots sont rouges. En 187-', le nombre total des crimes et délits jugés en France s’élevait à 26,000 ; dix ans apres, en 1882, il dépassait 81,000! Et c’est Paris , bien entendu, qui fournit les plus forts contingents à l’armée du mal. »
Le nombre des crimes commis par les jeunes gens de seize à vingt un ans s est élevé, en cinquante ans, de 5,933 à 20,480, et celui commis par les filles du même âge est passé de 1,046 à 2,839.
1. Tous les règlements du passé révèlent ces préoccupations d humanité, de vigilance Pour les petits. L’ordonnance du Livre des Métiers sur les tapis sarrazinois prend soin de garantir, avec une délicate prévoyance, la santé de la femme pauvre, dont notre civilisation moderne a fait une bêle de somme.