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LA FRANCE JUIVE
« Celluy qui adonné le coup à monsieur de Guyse, écrit Chantonay à son ami Josse de Courteviile, confesse franchement que l’a fait, et semblablement que l’amiral de Chastillon et Théodore de Bèze l’ont persuadé de le faire et luy en ont donné cent escus. »
Le premier acte de Calvin, une fois tranquille dans une terre libre, avait été de faire brûler, avec des fagots 'de bois vert, son ami Servet parce qu’il ne pensait pas absolument comme lui sur quelques points métaphysiques et qu’il s’obstinait à dire : Fils de Dieu éternel au lieu de Fils éternel de Dieu.
Goligny était de cette école. Vaincu, il réclamait la liberté de penser. Vainqueur, ce prétendu apôtre de la tolérance était aussi implacable que le baron des Adrets. A Angoulème, il avait renouvelé les torches vivantes de Néron, et il attachait les religieux qui tombaient entre ses mains à des poutres, enduites de soufre, auxquelles il faisait mettre le feu. Un de ces malheureux, raconte Mézeray, avant d’expirer dans les tortures, avait prédit à l’Amiral de France le sort qui l’attendait : « Souvenez-vous de Jézabel, meurtrière des Prophètes! Vous serez jeté par une fenêtre et traîné au gibet, et vous souffrirez, mort ou vif, toutes les indignités et toutes les cruautés que vous exercez maintenant sur les serviteurs de Dieu. » Personne ne s’étonna que le fils de Guise vengeât la mort de son père sur celui qui l'avait fait assassiner. « Tombé, il assouvit, ditTavannes, les yeux du fils dont il avait tué le père 1 ».
Les outrages auxquels se livrèrent sur lui les meurtriers parurent une simple application de la loi du talion, une réparation des supplices qu’il avait fait subir aux autres.
1. Voir à ce sujet, outre le magnifique ouvrage de M. le baron Kervyn de Lettenhove, Les derniers jours de Coligny, de M. Charles Buet. Ms r Freppel, qui a vraiment ce courage intellectuel si rare aujourd'hui, écrivait à fauteur au sujet de ce livre :
« Comment oublier que, pour assouvrir sa haine et satisfaire son ambition, cet étrange Français, investi d’une charge militaire des plus importantes, n’a pas craint d'appeler l’étranger au cœur de la Patrie ; que, par suite d’un pacte infâme, il a livré à l’Angleterre Dieppe, le Havre et Rouen, en retour de ce qu’elle lui promettait de secours en hommes, en argent et en vaisseaux, contre la cause du roi et de la nation ; qu'il a inondé la France d" ses reitres allemands soudoyés pour le pillage et pour l’assassinat?
« Quel’on suive Coligny dans tout le cours de sa vie militaire : il est constamment occupé à pactiser avec l’étranger dans le but de faire envahir sa patrie par les troupes d'Élisabeth d’Angleterre, du prince d'Orange, du duc de Deux-Ponts et des princes allemands.
« A défaut de patriotisme, y a-t-il au moins dans cet homme, dont la carrière militaire compte autant db défaites que de batailles, qmdqu- chose de cette grandeur morale qui fait pardonner bien ces fautes? Mais qui ne sait que la complicité dans le meurtre de l’héroïque due de Guise par Poltrot de M' ré, l'un des familiers de Coligny, pèse sur la mémoire de l’Amiral comme une chirge qu" rien n’a pu détruire? Outre les aveux du meurtrier qui, jusque sur les degrés de l’échafaud, lui imputa l'ordre de l'assas-inat, vous citez les témoignages des contemporains, tous plus accablants les uns que les autres. »