LA PERSÉCUTION JUIVE
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eux-mêmes un mutisme absolu ; tout le monde a été de l’avis du commissaire de police auquel M me L... était venue demander protection :
— C’est odieux, madame, je suis père moi-même. Je vous promets de mettre tout en œuvre pour vous faire rendre justice,- quel est le nom de la misérable qui a commis cet attentat?
— Mme J. M.
— Oh ! madame, dit le commissaire, en changeant soudain de ton, dès qu’il eut entendu prononcer le nom de la femme d’un célèbre banquier, il n’y a rien à faire. C’est absolument comme si vous vouliez vous attaquer aux Rothschild.
Cette conversation est rigoureusement authentique. Comment s’en étonner, lorsqu’on voit ce qui se passe pour cette malheureuse Anna Féral, qui est séquestrée depuis six ans par les Protestants, sans que sa famille puisse même avoir de ses nouvelles ou savoir où elle est enfermée? Ici, il y a eu un procès retentissant, des arrêts de tribunaux ordonnant que cette enfant soit remise à ses parents. Le ministre delà justice, se mettant hardiment au-dessus des lois, se faisant le complice de ceux qu’il devrait punir, défend d’exécuter les arrêts.
La mère est morte de chagrin ; le grand-père, avec cette ténacité particulière aux vieillards, s’obstine à lutter, malgré sa pauvreté, contre les banquiers protestants dont la caisse est bien garnie.
Aucune composition littéraire n’égalera jamais en éloquence les lettres de ce malheureux, qui ont fait rire Martin-Feuillée, après avoir fait pouffer Gazot, et avoir déridé le grave Franc-Maçon Humbert. La dernière, datée du 12 mars 188-1, est déchirante dans sa simplicité :
Négrepelisse (Tarn-et-Garonne), 12 mars.
Monsieur le Ministre,
Je viens, pour la troisième fois, vous signaler un crime impuni, et je ne cesserai que lorsque justice sera faite.
Voilà six ans que, malgré deux arrêts de la Cour de Toulouse, ma petite-ülle, Anna Féral, est séquestrée. Où? Je l’ignore.
Sa mère en est morte de chagrin et de désespoir, à l’hospice de Mon tauban, il y a trois ans.
La Cour de Toulouse a ordonné que ma petite-fille me fût rendue, puisque je suis son tuteur légal, et on ne me la rend pas plus qu’à sa mère.
Et cependant son père, son grand-père et sa mère sont morts.
Qui donc aujourd’hui a puissance paternelle sur Anna Féral? Moi seul.
Et maigre les arrêts, on me la refuse.
Je me suis adressé aux parquets inutilement, aux ministres de même, au Président de la République.