750
LA FRANCE JUIVE
Le préfet Monod se signala parmi ceux-là» ; il empoisonna littéralement le département du Calvados avec des manuels Gompayré qu’il envoyait aux municipalités avec sa carte de visite. Il fit plus, il osa, lui Protestant, soutenir à des catholiques qu’un manuel mis à l'index ne violait pas la neutralité scolaire. A la suite d’une lettre ridicule publiée par Monod à ce sujet, un journal normand releva ce zèle déplacé en termes qui, quoiqu’un peu vifs, étaient certainement mérités ; il rappela en môme temps les scandales qui se produisaient à Paris, grâce à l’appui donné aux falsificateurs par la Franc-Maçonnerie :
Si l’on veut, disait-il, nous permettre une comparaison vulgaire, M. Monod nous apparaît là comme un de ces empoisonneurs publics, qu’on décore par euphémisme du nom de marchands de vins. Une analyse scientifique vous prouve qu’un mastroquet quelconque ne vous donne, en fait de vin, qu’un mélange de drogues ignobles, qui n’a de nom dans aucune langue, et l’on vous dit : Ne buvez pas de cela, c’est du poison. Mais le mastroquet Monod se rebiffe et vous « démontre », selon son expression, que c’est parfaitement inoffensif. Pour un peu il soutiendrait que c’est du plus pur château-margaux de 1811, année de la Comète!
Ma destinée, d’ailleurs, est de rencontrer des Monod, toutes les fois que je m’occupe d’écrire l’histoire.
J’ai raconté jadis cette invraisemblable aventure des Papiers de Saint- Simon séquestrés pendant plus d’un siècle, au ministère des Affaires étrangères, et que le directeur des Archives, M. Faugère, empêchait absolument de consulter sous prétexte qu’il comptait les publier un jour.
M. de Freycinet fut fort bien en cette circonstance. A la demande d’un de mes bons et chers amis, Henri Lasserre, j’avais parlé fort aimablement de son livre, la Guerre en province, alors qu’obscur et peu sûr de lui-même encore, il colportait son volume de journal en journal. Se souvint-il de cet article? Obéit-il simplement à un mouvement de saine raison? Ce qui est certain, c’est qu’il autorisa la remise dans le domaine public de ces manuscrits dont l’auteur était mort depuis cent-vingt-cinq ans.
Je me mis à ce travail qui m’intéressait et j’allais publier mon premier
1. C’est ce Monod qui toléra, s’il ne les encouragea pas, les désordres qui se produisirent en 1884, à Caen, le dimanche de la Passion. Un misérable tenant à la main un numéro de la Lanterne entra dans l’église Saint-Pierre et insulta le R. P. Delorme, dominicain qui était «n chaire. Les voyous qui attendaient sur la place essayèrent d’enfoncer la porte de l’église et accablèrent d’injures les fidèles qui sortaient de l’office. Ils se répandirent ensuite par la ville et allèrent vociférer et pousser des m naces de mort sous la fenêtre des habitants catholiques. Les autorités ne bougèrent pas de la soirée.