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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA PERSÉCUTION JUIVE

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dans la commune de lEguille. Le père avait perdu sa femme peu de mois auparavant; elle était enterrée dans le cimetière catholique de Mornac, et une place avait été réservée à côté delle. Le 11, le père obtenait et la concession de la fabrique de Mornac, et le permis dinhumer du maire de lEguille. En même temps, une dépêche de la sous-préfecture de Marennes autorisait le transport du corps de lEguille à Mornac.

Le maire de Mornac refusa de laisser entrer le corps dans le cimetière catholique et ordonna de combler la fosse qui avait été préparée par les soins du père. Ce dernier, aidé de deux de ses amis, recreusa alors la fosse, malgré les ordres du maire, et fit prier M. le curé de venir enterrer lenfant. Sur quoi, ledit maire adressa un ordre de réquisition au lieutenant des douanes, fit de nouveau combler la fosse, et attendit, à lentrée du cime­tière, ceint de son écharpe, assisté de son adjoint, du garde champêtre, et des douaniers ayant la baïonnette au bout du fusil, larrivée du cortège.

M. le curé de Mornac apparut bientôt avec le corps, et suivi de toute la population catholique. Le maire savança vers lui en lui disant : « Monsieur le Curé, vous nentrerez pas ! » et, joignant le geste à la parole, il mit les mains sur la poitrine du curé pour le repousser.

La foule, craignant de voir brutaliser son curé, eut un mouvement en avant. Les douaniers voulurent sy opposer en croisant les fusils, et, une scène de désordre et de scandale se produisit. La croix fut jetée à terre, le cercueil fut précipité sous les pieds des assistants, et le pauvre père tomba par-dessus, en voulant le protéger; la foule, surexcitée, renversa un des douaniers. Puis le curé fut poussé dans le cimetière, il procéda à linhu­mation, après que la fosse eut été à nouveau creusée par le père de lenfant, sous les yeux de toute la population.

A la suite de ce scandale, on eut laudace de poursuivre les malheureux coupables davoir voulu faire enterrer leur enfant. Un garçon de seize ans fut compris dans la poursuite !

Devant le tribunal de Marennes, le procureur de la République, M. Vivien, qui voulait avant tout obtenir une condamnation à laquelle la Franc-Maçonnerie de Paris tenait beaucoup, eut une idée lumineuse : il menaça les témoins de les faire arrêter, sils déposaient en faveur des accusés.

En dépit dun avocat de talent, M. Querenet, les accusés, le délit maté­riel étant prouvé, furent condamnés à des peines variant de quinze à dix jours de prison.

Avez-vous lu les Larmes de Pineton de Chambrun? Ce livre, admiré à lexcès par Michelet, est émouvant, et plus dun passage nous a fait pleurer jadis sur le sort des Protestants français. Si Pineton eût été le maître, il aurait agi sans doute comme le maire de Mornac, et jeté dans la boue le cercueil de ceux qui nétaient pas de sa communion.

Dans le Midi, particulièrement, les Protestants furent indignes. A Montauban, ils disposaient de la majorité dans le conseil municipal quoi-