LA PERSÉCUTION JUIVE
75 "
dans la commune de l’Eguille. Le père avait perdu sa femme peu de mois auparavant; elle était enterrée dans le cimetière catholique de Mornac, et une place avait été réservée à côté d’elle. Le 11, le père obtenait et la concession de la fabrique de Mornac, et le permis d’inhumer du maire de l’Eguille. En même temps, une dépêche de la sous-préfecture de Marennes autorisait le transport du corps de l’Eguille à Mornac.
Le maire de Mornac refusa de laisser entrer le corps dans le cimetière catholique et ordonna de combler la fosse qui avait été préparée par les soins du père. Ce dernier, aidé de deux de ses amis, recreusa alors la fosse, malgré les ordres du maire, et fit prier M. le curé de venir enterrer l’enfant. Sur quoi, ledit maire adressa un ordre de réquisition au lieutenant des douanes, fit de nouveau combler la fosse, et attendit, à l’entrée du cimetière, ceint de son écharpe, assisté de son adjoint, du garde champêtre, et des douaniers ayant la baïonnette au bout du fusil, l’arrivée du cortège.
M. le curé de Mornac apparut bientôt avec le corps, et suivi de toute la population catholique. Le maire s’avança vers lui en lui disant : « Monsieur le Curé, vous n’entrerez pas ! » et, joignant le geste à la parole, il mit les mains sur la poitrine du curé pour le repousser.
La foule, craignant de voir brutaliser son curé, eut un mouvement en avant. Les douaniers voulurent s’y opposer en croisant les fusils, et là, une scène de désordre et de scandale se produisit. La croix fut jetée à terre, le cercueil fut précipité sous les pieds des assistants, et le pauvre père tomba par-dessus, en voulant le protéger; la foule, surexcitée, renversa un des douaniers. Puis le curé fut poussé dans le cimetière, où il procéda à l’inhumation, après que la fosse eut été à nouveau creusée par le père de l’enfant, sous les yeux de toute la population.
A la suite de ce scandale, on eut l’audace de poursuivre les malheureux coupables d’avoir voulu faire enterrer leur enfant. Un garçon de seize ans fut compris dans la poursuite !
Devant le tribunal de Marennes, le procureur de la République, M. Vivien, qui voulait avant tout obtenir une condamnation à laquelle la Franc-Maçonnerie de Paris tenait beaucoup, eut une idée lumineuse : il menaça les témoins de les faire arrêter, s’ils déposaient en faveur des accusés.
En dépit d’un avocat de talent, M. Querenet, les accusés, le délit matériel étant prouvé, furent condamnés à des peines variant de quinze à dix jours de prison.
Avez-vous lu les Larmes de Pineton de Chambrun? Ce livre, admiré à l’excès par Michelet, est émouvant, et plus d’un passage nous a fait pleurer jadis sur le sort des Protestants français. Si Pineton eût été le maître, il aurait agi sans doute comme le maire de Mornac, et jeté dans la boue le cercueil de ceux qui n’étaient pas de sa communion.
Dans le Midi, particulièrement, les Protestants furent indignes. A Montauban, ils disposaient de la majorité dans le conseil municipal quoi-