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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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LA FRANCE JUIVE

accompagner son mari et qui essuyait avec un mouchoir la sueur iléjà glacée qui coulait de son front.

Alors on vit cette chose quon navait jamais vue en France , taudis que les assassins, sûrs de limpunité, se pavanaient dans la salle, un horrible coquin, lavocat général Bissaud insultant, raillant, cet homme qui râlait déjà, affirmant que les assassins avaient bien agi, et que Saint-Elme ;< jouait la comédie. »

De la foule sortit une protestation indignée pendant que Bissaud sas­seyait en ricanant. Saint-Elme fit un effort pour répondre à cet infâme, il ny put parvenir. Quelques heures après il était mort..

Ces faits monstrueux sont dans toutes les mémoires. La discussion à la Chambre de linterpellation de l'extrême gauche sur les affaires de Corse jeta sur nos mœurs publiques une aveuglante lumière. Assassinat par des bravi payés par le préfet ', fraudes électorales, corruptions de tout genre, secours distribués pour la perte dun bétail qui navait jamais existé, tout était. M. de Douville-Maillefeu, en voyant monter vers le gouver­nement cette marée de boue, semble avoir éprouvé cette admiration qu'on éprouve devant certains déchaînements de la mer, et cria avec une sorte de transport : « Quon dise tout! que la honte coule à pleins bords! »

La Chambre neut même pas un blâme platonique pour les Tréinontels et les Bissaud et vota lordre du jour pur et simple.

Rien ne fut singulier comme lattitude de Brisson lincorruptible. Toutes les fois quon essaye de dénoncer à la tribune quelques-unes de ces prévarications de ministres ou dhommes publics qui sont évidentes sans qu'on puisse les prouver matériellement, il sécrie : « Donnez des preuves! » Cette fois il existait un témoignage irrécusable des concussions des repré­sentants de la Corse, Emmanuel Arène * et Peraldi. Le président changea

général des prisons, M. Asrnodée Laroze, sous-secrétaire dÉtat à l'intérieur, fit planer des doutes sur la probité de ce dernier, qui fut réintégré dans l'administration sous le ministère Brisson.

Waldeck-Rousseau avait déclaré solennellement à la Chambre qu'il avait mis M. de Tréinontels en demeure de faire un procès devant le jury pour se laver complètement. Trémontels a craint des révélations écrasantes et l'affaire en est restée.

1 . On n'a point lidée, me disait M. de Multedo, conseiller général, de ce que loppor­tunisme à fait de la Corse en quelques années. On y est revenu à létat sauvage et la loi nexiste plus pour ceux qui nappartiennent pas à la bande dominante. Le 25 janvier 1885, un ouvrier, Dominique Antoine Urbain, est frappé de cinq coups de couteau dans la région du cœur. Celui qui l a frappé, un nommé Franchini, qui a déjà joué un rôle dans l'affaire Saint-Elme, est acquitté par le tribunal d'Ajaccio , et c'est la victime qui est condamnée aux dépens. Chacun se fait justice soi-même ; le nombre des meurtriers réfugiés dans les maquis, qui était descendu à 60 à la fin de l'Empire, est maintenant de plus de 1 , 200 .

2. Cet Emmanuel Arène , qui se fait passer volontiers pour un descendant d'Areaa, est le fils d'un quincaillier juif de .Marseille qui vint s'établir à Ajaccio .