LE JUIF DANS L’HISTOIRE DE FRANCE
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la royauté eut commencé à mettre ordre à leurs trafics usuraires, ils furent contraints de se servir des Templiers comme prête-nom. De là la richesse plus apparente que réelle de l’Ordre.
Comment les chevaliers du Christ , les héros de Ptolémaïs et de Tibé riade en arrivèrent-ils à outrager le crucifix? M. Mignard s’est efforcé d’expliquer cette progressive décomposition morale de l'Ordre dans un très savant travail consacré à la description d’un curieux coffret appartenant au duc de Blacas 1 2 . Ce coffret, trouvé dans une maison du Temple à Essarois et tout chargé de signes cabalistiques et d’inscriptions arabes, reproduisait les principaux symboles des gnostiques, les sept signes, l’étoile aux sept rayons. Les doctrines nées dans l’école juive de Syrie , répandues plus tard par Manès, avaient pénétré dans l’Ordre du Temple , et le manichéisme vaincu avec les Albigeois avait trouvé un asile chez ces serviteurs d’abord si dévoués de la foi chrétienne.
Ce qui est certain, ce qui est constaté par tous les témoignages, ce qui ressort à chaque ligne des pièces du procès publiées par Michelet, dans les Documents inédits de l’histoire de France, c’est qu’au moment de la suppression de l’Ordre, l’outrage au Crucifix faisait partie des cérémonies de l’initiation. Les chevaliers crachaient trois fois sur le Crucifix en le reniant : ter abnegabant et horribili crudelitate ter in faciem spuebant ejus. Lé frère Guillermy fut obligé pour son initiation de renier et de cracher trois fois sur. la Croix en signe de mépris pour Notre-Seigneur Jésus-Christ qui a souffert sur cette croix : despiciendo Dominum Jhesum Christum quipassus fuit in ea.
« Crache sur cette Croix, disait-on au templier Jean de Thounnes en lui montrant une Croix où était l’image du Christ , crache sur cela en mépris de ce que cet objet représente! Spuas super istam in despèctu ejus*. »
D’après la déposition de Geoffroid de Thutan du diocèse de Tours, ia formule de reniement était : «Je reney Jhesu, je reney Jhesu, je reney Jhesu. »
Le baiser honteux complétait ces cérémonies d’initiation.
1. Monographie du coffret de M. le duc de Blacas. — Suite de la Monographie du coffret ou preuves du manichéisme de tordre du Temple.
Regghelini de Chio, zélé Maçon, très hostile à l’Église, explique assez bien également comment ces Ame candides de chevaliers croisés subirent l’influence de l’Orient et se laissèrent prendre à l’exégèse captieuse, aux arguments perfides des ennemis du Christ . La Maçonnerie considérée comme le résultat des religions égyptienne, juive et chrétienne , par le f.’. m. R.>. de S. c.\
2. Doc. inéd., tome II.
Les chevaliers adoraient, en outre, une idole orientale in figura Baffometi, une sorte de tête monstrueuse qui semble une réminiscence des étranges divinités phéniciennes.