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LA FRANCE JUIVE
combattait avec la certitude qu’il triompherait, — et tint Gambetta au courant de tout. Au 16 Mai, il hésita une minute et fut vite rassuré dès qu’il vit que toute l’énergie des sauveurs de la société consistait à gêner la vente du Petit Journal dans les départements. On donnait des coups de canif au lieu de donner des coups de sabre, selon l’expression de l’amiral de Guey- don. — On allait voir de quelle audace est capable le Juif dès qu’il a cessé de trembler.
Nous avons déjà montré comment, à la suite des événements de 1870, tout un flot d’aventuriers s’était rué sur la France. Un monde nouveau était né ou plutôt avait poussé comme un champignon malfaisant sur le sol profondément remué. Gambetta aperçut bien ce fumier en ébullition et les couches successives qui s’élevaient dessus; il comprit qu’on pourrait faire quelque chose avec cela et prononça à Grenoble, en 1872, cette fameuse harangue sur les nouvelles couches, qui est le seul discours do lui où il y ait une idée, le seul qui corresponde à une situation vraie :
N’a-t-on pas vu apparaître, depuis la chute de l’Empire, une génération neuve, ardente quoique contenue, intelligente, propre aux affaires, amoureuse de la justice, soucieuse des droits généraux?
N’a-t-on pas vu apparaître sur toute la surface du pays — et je tiens absolument à mettre en relief cette génération si nouvelle de la démocratie — un nouveau personnel politique électoral, un nouveau personnel de suffrage universel?
Oui, je pressens, je sens, j’annonce la venue et la présence dans la politique d’une couche sociale nouvelle qui est aux affaires depuis tantôt dix- huit mois, et qui est loin, à coup sûr, d’être inférieure à ses devancières.
Sur le moment, on ne comprit rien à ce discours, et beaucoup, même aujourd’hui, ne sont pas loin de voir là une manifestation de plus du verbiage ordinaire à ce fougueux diseur de riens. Quelle est, se demande-t-on, celte nouvelle couche dont parlait l’orateur? Il n’y a, dans notre société
opération de quatre millions^ ne figure pas sur les livres; des dividendes fictifs ont été distribués. « La faillite, conclut le syndic, est due à l'inobservation des statuts et aux combinaisons inventées par plusieurs personnes pour s’enrichir aux dépens de la société. »
Comment s'expliquer qu’un gouvernement, qui portait ce titre de gouvernement de l'Ordre moral, le plus beau après celui de gouvernement de l’Ordre chrétien, ait laissé un pareil personnage à la tête de la Préfecture de police après le 24 Mai? Comment l’idée n’est-elle pas venue aux politiques, qui avaient assumé une si haute tâche, de prendre soit un homme comme Maxime I)u Camp, qui connaît â fond Paris et le personnel révolutionnaire, soit un brave provincial, honnête et fin, habitué à iraiter d’affaires avec les paysans et qui aurait été aussi malin que les Parisiens? M. de Vitrolles, qui fut le principal, le seul auteur de la Restauration, n’avait point traîné dans cette bazoche qui émousse â jamais la notion du Rien et du Mal : il élevait des moutons avant de s’occuper de politique, et dès ses premiers pas se révéla plus habile que tous les intrigants qui entouraient les Princes.