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LA FRANCE JUIVE
Ils avaient jadis battu la grosse caisse autour de Daniel Manin \ et transformé cet avocat médiocre en une espèce de personnage ; ils se surpassèrent pour Gambetta. Jamais mise en scène ne fut mieux organisée, et l’on ne peut se défendre d’admiration devant l’incomparable façon dont cette personnalité fut nettoyée d'abord, puis posée, prônée, gloriliée, idéalisée, apothéosée.
Cet art spécial aux Juifs est tout moderne, puisque la presse y joue le principal rôle, et, néanmoins, rappelle ces évocations du Moyen Age, ces fantasmagories qui faisaient apparaître devant le regard des êtres qui avaient des formes humaines, qui marchaient, qui parlaient,et qui, cependant, n’étaient pas des réalités. Il y a là comme un mélange des artifices magiques et des procédés du puffisme contemporain, en ce qu’ils ont de plus cynique et de plus adroit, de plus grossier et de plus malin, — comme une collaboration du grand Albert et de Barnum, comme une alliance entre Merlin, le vieil enchanteur celtique, et Goudchaux, le Juif, marchand de confections d’aujourd’hui.
On sait ce que c’est que le phénomène de la suggestion. Certains médecins mettent quelques brins de paille sous le nez de quelques malheureuses hypnotisées, en leur disant : « Sentez ce bouquet de roses ! » Les infortunées se pâment. « Quelles belles roses! Quelle odeur délicieuse! » Véritablement, vous affirmeront tous les savants, elles ont senti des roses. Les Juifs, grâce à leurs journaux, nous firent sentir de même les lauriers de Gambetta. Ils prirent cet homme, qui n’avait commis que des sottises et des actes malhonnêtes pendant la guerre, qui avait fumé des cigares exquis tandis que les autres se battaient, qui s’était enfui lâchement au moment de rendre ses comptes, et nous le présentèrent, nous l’imposèrent comme l’architype du patriote, le héros de la Défense, l’espoir de la Revanche.
Cela se produisit, en plein jour, en plein soleil, en pleine liberté de la presse, sans aucune de ces circonstances de mystère et de lointain, qui aident à grandir une personnalité qu’on ne voit pas.
1. Comme presque tous les révolutionnaires et les agitateurs, Daniel Manin était (l’origine juive. Son père, disent les Archives Israélites (vol. 3G), appartenait il une famille israélile du nom de Fonsecca et s’était fait baptiser vers la fin du siècle dernier ; il avait pris alors, selon la coutume, le nom de son parrain, frère du doge régnant Luigi Manin.
Le fait est attesté d’ailleurs dans un livre paru en 1872 à Venise, sous ce titre : La vita ed i tiempi di Daniele Manin, Narrazionc dcl prof. Alberto Errero at avv Cesare Fingi cor- relata dai documenti inedili dêpositi nel Museo Carrer dal generale Georgio Manin.
On trouve aussi quelques détails sur ce point dans un livre publié par Rudolf (ioltschal. Mois d'automne en Italie. L’auteur raconte que Mania lui-même lui a avoué d’être d’origine juive.