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La France juive : essai d'histoire contemporaine / Édouard Drumont
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GAMBETTA ET SA COUR

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donne aux filles dans les restaurants de nuit, ou quon jette aux cabotines dans les cafés-concerts : celles-ci le cèdent à une bouquetière qui le re­cède à une autre jusquà ce quon le balaie dans le ruisseau. Ce bouquet coûte cher, il représente de l'argent sans valoir rien, il fait de leffet, il est comme le signe bruyant denthousiasmes faux, il na point cepen­dant la poésie de la plus humble plante qui exprime une émotion sincère ou un passion vraie.

Du spectacle de cet homme, qui a pu arriver à être un moment le maître de la France, sans parvenir à prononcer jamais une phrase française, qui a pu nous dérober notre bourse et na pu nous prendre notre style, il faut rapprocher laversion native, spontanée, franchement accusée, quont éprouvée pour cet intrus tous les esprits lettrés, affinés, élevés. Républicains et conservateurs, catholiques et libres-penseurs, tous ont été daccord sur ce point.

Écoutez Georges Sand, la vieille républicaine, qui maudit et raille à la fois Arlequin dictateur. A entendre les reproches indignés quelle lance du fond de son Berry, elle est témoin des folies de la guerre en province, au viveur qui, pour prolonger lorgie davantage, fait massacrer nos pauvres mobiles, ne semble-t-il pas entendre la France terrienne pleurant ses paysans?

Voici quAlexandre Dumas complète en philosophe ce qui, chez Georges Sand, était surtout un mouvement du cœur gonflé de dégoût. Dès 1872, il tire à cet infatigable déclamateur un horoscope qui sest réalisé de point en point, et qui atteste chez lécrivain une singulière puissance de prévision :

Gambetta, dit-il, ne fait appel quà des instincts, il ne rallie pas une âme et il se retrouve toujours au point de départ. Il passera sa vie à recommencer. Il sest enfermé dans la petite boîte noire de lathéisme; il y donne de grands coups de tête croyant crever le ciel ; il narrive quà faire sauter le couvercle comme un joujou enragé. Il nen sortira jamais : il a les pieds pris dans ce qui est mort. Pour ne pas se soumettre à un principe, il sest rivé à un système. Il est à ressorts et immobile ; il est effrayant et vide; il est diabolique et bon enfant. Quelle contradiction! Il prétend à être le maître de ceux qui nen veulent plus avoir ; il se croit le dieu de ceux qui nen ont pas. Rien à craindre, et, ce qui est plus triste encore, rien à espérer de cet homme. Il est purement verbal. Il mourra dun éclair de vérité comme son aïeul le cyclope Brontés dune flèche dApollon.

Mais prêtez loreille. Une salle entière bat des mains, une salle, qui